L'ambulance du Croissant-Rouge a été prise pour cible le 7 septembre 2011. © DR
L'ambulance du Croissant-Rouge a été prise pour cible le 7 septembre 2011. © DR

Syrie Pratiques répressives systématiques au sein des hôpitaux syriens

25 octobre 2011
Le gouvernement syrien a transformé les hôpitaux en instruments de répression alors qu'il met tout en œuvre pour écraser l'opposition, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié mardi 25 octobre 2011.

Intitulé «Health Crisis: Syrian Government Targets the Wounded and Health Workers», ce document de 39 pages dénonce le fait que des patients soignés dans au moins quatre hôpitaux publics ont été soumis à des actes de torture et autres mauvais traitements, y compris de la part de professionnels de la santé. Des membres du personnel hospitalier soupçonnés de soigner les manifestants et autres personnes blessées dans le cadre des troubles ont eux-mêmes été confrontés aux arrestations et à la torture.

«Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que les autorités syriennes auraient donné carte blanche aux forces de sécurité dans les hôpitaux, et que dans bien des cas le personnel hospitalier aurait infligé des actes de torture et des mauvais traitements aux personnes qu'il est censé soigner», a indiqué Cilina Nasser, chercheuse sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

Patients agressés dans les hôpitaux

D'après les informations recueillies par Amnesty International, des patients ont été agressés par des médecins, des professionnels de la santé et des agents de sécurité dans les hôpitaux nationaux de Banias, Homs et Tell Kalakh, et dans l'hôpital militaire de Homs. Un médecin de l'hôpital militaire de Homs a raconté à Amnesty International qu'il avait vu quatre médecins et plus de vingt infirmières infliger des violences à des patients.

Certains patients ont été arrêtés dans les hôpitaux. Le 7 septembre 2011, des membres des forces de sécurité qui recherchaient un opposant au gouvernement, commandant présumé sur le terrain, ont fait une descente dans l'hôpital al Birr wa al Khadamat à Homs. Ne le trouvant pas, ils ont emmené 18 blessés. Un professionnel de la santé présent au moment du raid a raconté à Amnesty International qu'il avait vu au moins un patient inconscient se faire enlever son respirateur artificiel avant d'être emmené.

Ayant peur de se rendre dans un hôpital du gouvernement, de nombreux Syriens choisissent de se faire soigner soit dans des cliniques privées, soit dans des hôpitaux de fortune, sous-équipés. Des médecins de l'hôpital national de Homs ont expliqué que le nombre d'admissions pour blessures par balles avait sensiblement chuté depuis le mois de mai, alors même que le nombre de victimes et de blessés ne cesse d'augmenter dans les rues.

En Syrie, la Banque centrale du sang est seule habilitée à fournir du sang. Elle est sous contrôle du ministère de la Défense, ce qui plonge les cliniques privées dans un cruel dilemme. Un médecin qui travaillait dans une clinique privée de Homs a expliqué à Amnesty International: «Nous étions confrontés à un dilemme à chaque fois qu'un patient blessé par balle arrivait et avait besoin d'une transfusion de toute urgence: si nous envoyions une demande à la Banque centrale du sang, les services de sécurité apprenaient où il se trouvait et il courrait le risque d'être arrêté et torturé, voire de mourir en détention.»

Personnel de la santé également victime d'agression

Les professionnels de la santé sont eux-mêmes pris pour cibles par les forces de sécurité, certains parce qu'ils soignent les blessés, d'autres parce qu'ils sont soupçonnés d'avoir participé à des manifestations ou d'avoir filmé les manifestants. Le 7 août 2011, une vingtaine de soldats et de membres des forces de sécurité ont attaqué un hôpital gouvernemental dans le gouvernorat de Homs et arrêté sept membres du personnel. L'un d'entre eux a expliqué à Amnesty International qu'au cours d'un interrogatoire certains de ses collègues ont été passés à tabac.

Amnesty International a invité les autorités syriennes à donner des instructions précises et claires à tous les hôpitaux, qui doivent accueillir et soigner tous les blessés sans délai, et accorder la priorité à l'intérêt des patients avant toute autre préoccupation. «Les professionnels de la santé syriens se retrouvent dans une situation impossible, contraints de choisir entre soigner les blessés et préserver leur propre sécurité», a déploré Cilina Nasser.

D'après Amnesty International, les autorités syriennes doivent prendre de toute urgence les mesures qui s'imposent afin que tous les patients bénéficient de soins, sans discrimination fondée sur leurs affiliations ou activités politiques présumées. Toute personne, qu'il s'agisse d'un membre du personnel hospitalier ou d'un membre des forces de sécurité, soupçonnée d'avoir retardé, entravé ou interféré dans le travail des professionnels prodiguant des soins aux blessés, doit par ailleurs être tenue de rendre des comptes.