La Russie et la Chine ont en effet opposé leur veto à une résolution du Conseil qui proposait que le plan de paix en six points négocié par l’envoyé international Kofi Annan se décline aux termes du Chapitre 7 de la Charte des Nations unies, qui autorise le Conseil à adopter des sanctions diplomatiques et économiques contre le gouvernement syrien s’il continue de pilonner les villes à l’artillerie lourde et ne retire pas ses troupes.
Troisième veto de la Russie et de la Chine
C’est la troisième fois que la Russie et la Chine exercent leur droit de veto pour bloquer les résolutions du Conseil de sécurité sur la Syrie.
Ce veto est opposé au lendemain d’une attaque qui a tué le ministre syrien de la Défense, son adjoint et l’assistant du vice-président à Damas. Selon certaines informations, d’autres hauts représentants de l’État, dont le ministre de l’Intérieur, ont été grièvement blessés.
«Au regard de la flambée de violence qui déferle sur l’ensemble du pays, y compris sur la capitale Damas, et des éléments attestant que les membres des forces de sécurité syriennes continuent de commettre des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, ainsi que du nombre croissant d’informations faisant état d’exactions imputables à l’opposition armée, le Conseil de sécurité de l’ONU avait l’occasion unique non seulement de renouveler le mandat de la Mission de supervision des Nations Unies en Syrie (MISNUS), mais aussi de l’améliorer et de le renforcer, a estimé Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
Les différends politiques bloquent la résolution du conflit
«Au lieu de cela, la Russie et la Chine ont une nouvelle fois opposé leur veto à une résolution sur la situation en Syrie, bloquant l’action du Conseil de sécurité et mettant en évidence l’incapacité de ses membres à surmonter leurs différends politiques dans l’intérêt du peuple de Syrie.
«Ce veto va encourager de plus belle les parties au conflit qui ordonnent ou commettent des violences et des crimes en toute impunité.»
Amnesty International engage le Conseil de sécurité à renouveler le mandat de la MISNUS, qui est arrivée à expiration le 20 juillet, et à renforcer son action, en incluant explicitement une composante dans le domaine des droits humains dotée des ressources humaines requises, qui dote la mission des compétences suffisantes – notamment d’experts sur les droits liés au genre et les droits des enfants – et des ressources lui permettant d’enquêter et de rendre compte des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres graves atteintes aux droits humains commis par toutes les parties.
«Il est pour le moins impératif que le Conseil renouvelle le mandat de la MISNUS. S’il s’abstient, son immobilisme ne manquera pas d’être interprété comme le signe que la communauté internationale abandonne une fois encore les Syriens, ce qui risque fort d’entraîner une dégradation de la situation humanitaire et des droits humains», a assuré Ann Harrison.
Par ailleurs, Amnesty International a invité à de multiples reprises le Conseil de sécurité à porter le dossier syrien devant le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), à geler les avoirs du président syrien et de ses collaborateurs et à instaurer un embargo immédiat sur les armes en vue de bloquer les transferts d’armes à destination du gouvernement syrien.
L’organisation demande également aux gouvernements qui envisagent de fournir des armes aux combattants de l’opposition d’effectuer au préalable une évaluation rigoureuse des risques en s’appuyant sur des informations objectives, afin de s’assurer que ces armes ne seront pas susceptibles de servir à perpétrer ou faciliter de graves atteintes aux droits humains, notamment des crimes de droit international. Si ce risque substantiel existe, il convient de bloquer ces transferts.
Crimes contre l'humanité et crimes de guerre perpétrés
Amnesty International a recensé des violations soutenues des droits humains commises par les forces de sécurité syriennes, constituant des crimes contre l’humanité, depuis mars 2011, ainsi que des crimes de guerre imputables à l’armée depuis que la situation a dégénéré en un conflit armé non international.
Si la plupart de ces violences sont le fait des forces de sécurité et des forces armées de l’État, les groupes armés d’opposition se sont eux aussi livrés à des exactions – torture et homicide de soldats capturés et de membres de milices progouvernementales appelées chabiha, mais aussi enlèvement et homicide de partisans ou de collaborateurs, présumés ou avérés, du gouvernement, des forces de sécurité et des milices.
«La Syrie est désormais le théâtre d’un conflit armé non international. Aussi toutes les parties sont-elles légalement liées par les règles du droit international humanitaire. Il leur est interdit de lancer des attaques directes contre les civils, ainsi que des attaques menées sans discrimination et de façon disproportionnée, a indiqué Ann Harrison.
«Toutes les parties doivent en toutes circonstances traiter avec humanité les personnes sous leur autorité, y compris les combattants capturés. Elles ne doivent pas utiliser d’armes interdites. Enfin, ceux qui commettent ou ordonnent de graves violations du droit international humanitaire sont susceptibles d’être poursuivis pour crimes de guerre.»