Alep, Syrie, 22 février 2013 © Amnesty International
Alep, Syrie, 22 février 2013 © Amnesty International

Nouvelles recherches d'Amnesty en Syrie Les deux parties se livrent à des crimes de guerre

Deux ans après que le peuple syrien s'est soulevé contre son gouvernement lors de manifestations pacifiques, le pays est embourbé dans un conflit sanglant. Les deux parties se livrent à des crimes de guerre, écrit Amnesty International dans deux synthèses publiées jeudi 14 mars.

Les recherches menées par l'organisation en Syrie au cours des deux dernières semaines confirment que les forces gouvernementales continuent de bombarder sans discernement les civils. Elles font fréquemment usage d'armes interdites au niveau international qui réduisent à néant des quartiers entiers. Et les prisonniers qu'elles détiennent sont systématiquement soumis à la torture, aux disparitions forcées ou aux exécutions extrajudiciaires.

«Le nombre d'enfants tués et mutilés en Syrie lors des bombardements effectués par les forces gouvernementales s'accroît considérablement. Beaucoup d'entre eux ont vu leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs voisins déchiquetés sous leurs yeux. Ils grandissent en étant témoins d'horreurs inimaginables»

Nos recherches établissent une fois de plus que le gouvernement syrien utilise contre la population civile des armes interdites par la réglementation internationale. Le 1er mars, un chercheur d'Amnesty International a trouvé à Alep neuf bombes à sous-munitions qui avaient été larguées par un aéronef à voilure fixe sur un lotissement à forte densité de population. Plus d'une dizaine d'habitants ont été tués et bien d'autres blessés, dont de nombreux enfants.

Il y a peu, des centaines d'habitants, dont beaucoup d'enfants, ont été tués et blessés lors de trois attaques qui ont anéanti des familles entières. Sabah, jeune femme de 31 ans qui a survécu au carnage, a parlé à Amnesty International des proches qu'elle a perdus: «Mes filles Isra, Amani et Aya, âgées de quatre, six et 11 ans, mon mari, ma mère, ma sœur Nour de 14 ans, et les trois fils de mon autre sœur, Ahmad, Abdallah et Mohammad, qui avaient 18 mois, trois ans et quatre ans. Tous ont péri. Qu'est-ce qui me reste dans cette vie?»

Des milliers de personnes ont trouvé la mort en Syrie ces derniers mois lors d'attaques similaires menées par les troupes gouvernementales avec des armes qui ne doivent jamais être utilisées contre des zones habitées par des civils.

«Le nombre d'enfants tués et mutilés en Syrie lors des bombardements effectués par les forces gouvernementales s'accroît considérablement. Beaucoup d'entre eux ont vu leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs voisins déchiquetés sous leurs yeux. Ils grandissent en étant témoins d'horreurs inimaginables», a commenté Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International.

Crimes de guerre imputables à l'opposition

Quant aux groupes armés de l'opposition, ils recourent de plus en plus aux prises d'otages, ainsi qu'à la torture et aux exécutions sommaires de soldats, de miliciens favorables au gouvernement et de civils capturés ou enlevés. «Si la vaste majorité des crimes de guerre et des violations flagrantes des droits humains sont le fait des forces gouvernementales, nos recherches appellent l'attention sur la multiplication des exactions imputables aux groupes armés d'opposition», a déclaré Ann Harrison.

Une vidéo filmée dans une autre région du pays montre un garçon apparemment âgé de 12 ou 14 ans, tenant une machette, debout au-dessus d'un homme - identifié plus tard comme étant le colonel Izz al Din Badr. Il est couché à plat ventre sur le sol, les mains attachées derrière le dos. On peut entendre une voix en arrière-plan crier : «Il n'en n'a pas la force.» Le garçon abat la machette sur la nuque de l'homme, avec les encouragements des membres d'un groupe armé d'opposition.

Deux millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays

D'après l'ONU, plus de deux millions de civils sont déplacés à l'intérieur de la Syrie. Ayant fui leur foyer, beaucoup se retrouvent de nouveau confrontés aux tirs d'obus et aux bombardements dans les zones où ils ont cherché refuge, et doivent à nouveau partir. La Turquie a partiellement fermé sa frontière, et des milliers de personnes déplacées se retrouvent bloquées du côté syrien dans des conditions épouvantables.

«Chaque heure qui s'écoule face à l'indécision de la communauté internationale est synonyme de nouvelles victimes. Combien de civils doivent encore perdre la vie avant que le Conseil de sécurité de l'ONU ne saisisse le procureur de la Cour pénale internationale de la situation en Syrie, afin de mettre en œuvre l'obligation de rendre des comptes pour ces crimes insupportables?», s'est interrogée Ann Harrison.

Communiqué de presse publié le 14 mars 2013, Londres / Lausanne.
Contact du service de presse