Intitulé Left Out in the Cold: Syrian refugees abandoned by the international community, ce document attire l'attention sur le nombre dérisoire de places d'accueil proposées par la communauté internationale. Actuellement, quelque 3,8 millions de réfugiés originaires de Syrie sont accueillis principalement dans cinq pays de la région: Turquie, Liban, Jordanie, Irak et Égypte. Seulement 1,7% de ce total s'est vu proposer l'asile par un autre pays depuis le début de la crise, il y a plus de trois ans.
Les États du golfe Persique –parmi lesquels figurent certains des pays les plus riches du monde– n'ont offert d'accueillir aucun réfugié de Syrie jusqu'à présent. De même, la Russie et la Chine n'ont pas promis la moindre place d'accueil. À l'exclusion de l'Allemagne, le reste de l'Union européenne (UE) ne s'est engagé à réinstaller que 0,17 % des réfugiés dans les principaux pays d'accueil.
«L'insuffisance du nombre de places d'accueil proposées aux réfugiés par la communauté internationale est vraiment choquante. Près de 380 000 personnes ont été identifiées comme ayant besoin d'une réinstallation par l'agence des Nations unies pour les réfugiés, mais seule une infime partie de ces personnes s'est vu offrir l'asile à l'étranger», a déclaré Sherif Elsayed-Ali, responsable du programme Droits des réfugiés et des migrants d'Amnesty International.
«L'annonce faite cette semaine par le Programme alimentaire mondial, qui s'est dit contraint de suspendre l'aide alimentaire fournie à 1,7 million de réfugiés en raison d'une crise du financement, souligne la réponse désastreuse de la communauté internationale.»
Au Liban, pays dont l'économie est précaire et la dette grandissante, l'afflux de réfugiés venus de Syrie a augmenté la population nationale de 26 %. Le nombre de réfugiés qui y sont accueillis est 715 fois supérieur au nombre total des Syriens qui ont demandé l'asile dans l'UE au cours des trois dernières années et des places d'accueil offertes par l'Union.
Le manque de soutien international a des conséquences désastreuses; les cinq principaux pays d'accueil, qui reçoivent actuellement au moins 95% des réfugiés syriens, ont énormément de mal à faire face à la situation. La Turquie, le Liban et la Jordanie ont imposé d'importantes restrictions à l'entrée des réfugiés ces derniers mois, si bien que de nombreuses personnes sont bloquées en Syrie, où elles risquent fort de subir des atteintes aux droits humains aux mains des forces gouvernementales, du groupe se désignant sous le nom d'État islamique (EI) ou d'autres groupes armés.
Les exigences d’Amnesty
Amnesty International demande qu'au moins 5% des réfugiés syriens soient réinstallés avant la fin de l'année 2015 et encore 5% supplémentaires en 2016. Cela permettrait que toutes les personnes actuellement identifiées comme ayant besoin d'une réinstallation par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) soient accueillies. Parmi les réfugiés devant être réinstallés se trouvent des victimes de torture, des mineurs non accompagnés et des personnes gravement malades.
«La conférence d'appel de fonds de la semaine prochaine doit servir à inverser le cours des choses. Il est temps que les gouvernements du monde prennent les mesures nécessaires pour partager la responsabilité de cette crise et contribuer à éviter de nouvelles souffrances, a déclaré Sherif Elsayed-Ali. Si un tout petit pays avec une économie faible et une dette colossale comme le Liban peut supporter une augmentation d'un quart de sa population, les autres peuvent certainement en faire plus pour aider.»
Tandis que certains des pays les plus riches du monde, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et le Koweït, ont contribué généreusement à la réponse humanitaire de l'ONU, cette seule mesure ne suffit pas. «Les pays ne peuvent pas soulager leur conscience en versant de l'argent puis en se désintéressant de la question», a déclaré Sherif Elsayed-Ali.
La Suisse doit s’engager davantage
Depuis 2011, la Suisse a accueilli plus de 9000 réfugiés syriens via l’octroi facilité de visas et les demandes d’asile ordinaires. Et elle a donné son accord pour l’accueil de 500 réfugiés particulièrement vulnérables à la demande du HCR. Elle a également octroyé 125 millions à titre d’aide humanitaire et soutien plusieurs projets dans la région. Amnesty International salue ces initiatives mais, au regard de la crise humanitaire et du poids que font peser les réfugiés syriens sur les principaux pays qui les accueillent, estime que la Suisse peut faire plus.
Dans une lettre adressée à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga Amnesty International lui demande notamment de s’engager pour que la Suisse prenne les mesures suivantes:
- Assurer le financement du Programme alimentaire mondial en faveur des réfugiés de Syrie.
- Soutenir financièrement la Turquie dans le cadre de l’appel de fonds régional 2014 des Nations Unies en faveur des Syriens.
- Ouvrir à nouveau la possibilité d’un regroupement familial facilité pour les réfugiés de Syrie en Suisse, tel qu’en automne 2013, et appeler les autres gouvernements à s’inspirer de la Suisse pour proposer des procédures similaires
Complément d’information
Le nombre total de Syriens qui ont atteint l'UE et y ont sollicité l'asile au cours des trois dernières années est d'environ 150 000. C'est à peu près l'équivalent du nombre de personnes qui ont afflué en Turquie en l'espace d'une seule semaine en septembre 2015, fuyant l'avancée de l'État islamique dans la ville syrienne de Kobani.
Au sein de l'UE, ce sont la Suède et l'Allemagne qui accueillent le plus grand nombre de demandeurs d'asile syriens. À eux deux, ces pays ont reçu 96 500 nouvelles demandes d'asile de Syriens au cours des trois dernières années, soit 64% de toutes les demandes formulées dans l'UE. En outre, le nombre de réfugiés que l'Allemagne s'est engagée à accueillir représente près de la moitié du nombre total mondial de promesses. À l'exclusion de l'Allemagne, les cinq plus grands pays de l'UE (Royaume-Uni, France, Italie, Espagne et Pologne) n'ont promis que 2 000 places au total, soit 0,001% de leur population cumulée.