Seuls 35 pourcent des requérant·e·s d’asile syrien·ne·s ont obtenu le statut de réfugié en Suisse en 2015.  © Amnesty International
Seuls 35 pourcent des requérant·e·s d’asile syrien·ne·s ont obtenu le statut de réfugié en Suisse en 2015. © Amnesty International

Syrie Cinquième hiver sous les bombes

Par Julie Jeannet - article paru dans le supplément Agir, mars 2016
La Syrie passe son cinquième hiver sous les bombes. Plusieurs villes sont sous le siège du régime de Damas ou de groupes armés rebelles qui utilisent la famine comme une arme. Alors que plus de quatre millions de personnes ont fui la Syrie, le taux de reconnaissance du statut de réfugié pour les Syrien·ne·s en Suisse est inférieur de moitié à la moyenne européenne.

De l’eau, du sel et des feuilles. Voilà le repas de Mohammed, de sa femme et de ses trois enfants. «Chaque jour, quand je me réveille je me mets à chercher de la nourriture. J’ai perdu beaucoup de poids, j’ai vraiment la peau sur les os», témoigne ce père de famille, prisonnier de la ville de Madaya, à quarante kilomètres de Damas. Les villes de Madaya et Boukein, assiégées par les forces gouvernementales syriennes et le Hezbollah depuis juillet 2015, sont devenues de véritables prisons. Celles et ceux qui tentent de fuir sont abattu·e·s, blessé·e·s par balles ou par l’explosion de mines antipersonnel.

Famines

Début janvier, les cris de détresse des habitant·e·s déchiraient les réseaux sociaux : «Peu importe qu’Assad tue les adultes, mais s’il vous plaît, sauvez les enfants de Madaya. Nous sommes en train de mourir de faim.» Des photos d’enfants squelettiques horrifiaient le monde entier. L’organisation Médecins sans frontières affirme que vingt-huit des patient·e·s qu’elle a traité·e·s sont mort·e·s de faim depuis le 1er décembre 2015. Selon Sajjad Malik, représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés, les souffrances observées à Madaya seraient «sans comparaison» avec ce qui s’est passé depuis le début du conflit.

En cinq ans de guerre, plus de deux cents soixante mille personnes ont perdu la vie et plus d’un million ont été blessées. Quatre millions de Syrien·ne·s ont fui le pays et cinquante pour cent de la population a été déplacée. L’immense majorité des réfugié·e·s syrien·e·s se trouvent actuellement en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak et en Egypte. Mais ces pays pratiquent une politique d’accueil de plus en plus restrictive. Selon le Haut-commissariat pour les réfugiés, environ dix pour cent des réfugié·e·s syrien·ne·s – quelque quatre cents mille personnes – sont particulièrement vulnérables et ont besoin d'être réinstallées.

Status précaire

Depuis 2011, la Suisse a accueilli neuf mille Syrien·ne·s (état à la mi-septembre 2015) Mais malgré des déclarations généreuses, la politique d’asile est demeurée restrictive à leur égard. L’année dernière, seuls 35 pourcent des requérant·e·s d’asile syrien·ne·s ont obtenu le statut de réfugié en Suisse. Alors que dans les pays européens, ils sont plus de 70 pourcent à l’avoir obtenu. En Suisse, la majorité des Syrien·ne·s (53 pourcent) se sont vus octroyer une admission provisoire. Or ce statut est précaire, il entrave fortement la recherche d’un emploi, rend de nombreuses personnes dépendantes de l’aide sociale et ne facilite pas l’intégration. De plus, la menace perpétuelle d’un renvoi pèse sur la santé psychique de personnes déjà brisées par la guerre et le périlleux voyage vers l’Europe.

Le 11 janvier 2016, après d’âpres négociations, des camions humanitaires ont pu entrer pour la première fois dans Madaya depuis octobre 2015. Chaque famille a reçu un panier d'aide contenant des vivres et quelques produits de première nécessité pour un mois. Mohammed et sa famille ont enfin eu droit à un vrai repas, mais que se passera-t-il lorsque les familles auront épuisé ces réserves ?