Yves Steiner participait en qualité d’invité à l’Assemblée générale de la Section tunisienne d’Amnesty International, à Sidi Bou Saïd, localité située dans la banlieue nord de la capitale, Tunis. Il avait prononcé un discours le samedi 20 mai devant les membres de la Section tunisienne dans lequel il avait dénoncé la multiplication des atteintes aux droits humains survenues ces derniers mois en Tunisie, notamment les entraves à la liberté d’expression et à la liberté d’association.
Dimanche 21 mai 2006, vers 14h30, trois policiers en civil ont une première fois tenté d’interpeller Yves Steiner à l’hôtel Amilcar, où avait lieu l’Assemblée générale. Des personnes se sont alors interposées et le Suisse a pu se réfugier à l’étage et donner l’alerte. Toutefois, plusieurs dizaines de policiers ont été appelés en renfort et ont emmené par la force Yves Steiner vers 16h30 sans donner de motif. L’ambassadeur suisse, qui avait eu un contact téléphonique avec lui, a tenté de se rendre sur place mais les grilles de l’hôtel étaient fermées et il n’a pas pu entrer dans le complexe hôtelier avant le départ de la voiture avec quatre policiers qui transférait Yves Steiner à l’aéroport.
Lors de son arrestation et de son transfert à l’aéroport, M. Steiner a été malmené par les forces de l’ordre: il a ainsi été saisi par la nuque, sa tête plaquée contre les genoux et son téléphone portable arraché. A l’aéroport, il a été enfermé dans une pièce désaffectée pendant deux heures. Vers 20 heures, il a été expulsé vers Paris, sans pouvoir retourner à l’hôtel prendre ses effets personnels.
Cette expulsion s’inscrit dans la longue liste des répressions dont sont victimes les défenseurs des droits humains en Tunisie de la part des autorités tunisiennes. Les plus visées sont les personnes de nationalité tunisienne, mais les étrangers ne sont pas épargnés. En novembre 2005, lors du Sommet mondial sur la société de l’information, le journaliste français Christophe Boltanski avait été agressé et poignardé par des inconnus sans qu’aucun agent de sécurité
n’intervienne pour lui prêter secours. Cette agression était survenue le jour même où Libération publiait un article dans lequel Christophe Boltanski dénonçait les récentes attaques visant des défenseurs tunisiens des droits humains.
Amnesty International est restée sans nouvelles de son délégué jusqu'à son arrivée à Paris à 22h30. A la nouvelle de son arrestation, Amnesty International s’est enquis sans succès auprès des autorités tunisiennes des motifs de l’arrestation de Yves Steiner. L’organisation rejette les allégations des autorités selon lesquelles il se serait «comporté en violation des lois du pays et de manière à porter atteinte à l’ordre public» et rappelle que la liberté d’expression et la liberté d’association sont des droits internationalement garantis.
L’organisation craint que l’expulsion de son délégué ne soit une manœuvre d’intimidation pour empêcher toute personne, tunisienne ou étrangère, de dénoncer les atteintes aux droits humains en Tunisie. Amnesty International exhorte les autorités tunisiennes à respecter les libertés d’expression et d’association et a permettre aux organisations nationales et internationales de défense des droits humains, y compris la section d’Amnesty International en Tunisie, d’exercer leurs activités sans crainte d’intimidation ou de harcèlement.
Complément d’information
Yves Steiner s’était auparavant rendu à plusieurs reprises en Tunisie, notamment pour le Sommet mondial sur la société de l’information des Nations Unis, au nom de la plate-forme des organisations non-gouvernementales suisses comunica-ch. Il avait dénoncé lors d’une conférence de presse les atteintes aux droits humains qui avaient eu lieu durant le sommet.
Communiqué de presse publié le 22 mai 2006, Londres / Lausanne.
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