La répression contre ceux qui expriment leur colère face aux conditions de vie, au chômage et à la corruption est de plus en plus violente. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants dans les villes de Thala, Kasserine et Regueb, dans le centre de la Tunisie.
Le gouvernement tunisien soutient que la police a ouvert le feu en situation de légitime défense, après l’attaque de bâtiments publics. Selon des informations reçues par Amnesty, les policiers ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser la foule.
«Les autorités affirment que les policiers ont agi en situation de légitime défense, mais le nombre croissant de victimes et les images des manifestations censurées par les forces de sécurité jettent de sérieux doutes sur cette version des événements», a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui d’Amnesty International.
C’est à Kasserine que le bilan serait le plus lourd. Amnesty International y a recensé 13 personnes tuées en deux jours : quatre manifestants tués par balle le 8 janvier et neuf personnes tuées le 9 janvier, après que les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants rassemblés pour assister aux funérailles d’un jeune homme de 17 ans tué la veille.
Vague de suicides
Les manifestations se poursuivent en Tunisie depuis la mi-décembre, après le suicide de Mohamed Bouazizi, 26 ans, jeune diplômé de l’université au chômage. La mort de Mohamed Bouazizi a également entraîné toute une série de tentatives de suicide, dont plusieurs ont abouti.
De nombreuses manifestations ont démarré pacifiquement, mais des violences ont parfois éclaté, tels que des jets de pierres et des incendies volontaires visant des édifices gouvernementaux. Les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations massives et à des descentes nocturnes ciblant entre autres des avocats, des journalistes, des étudiants et des blogueurs.
Médias et blogueurs en danger
Les autorités tunisiennes ont cherché à interdire toute couverture médiatique des événements, bloqué l’accès à Internet et fermé les comptes de messagerie électronique des cybermilitants.
On sait qu’au moins trois blogueurs ont été interpellés : Hamadi Kloucha, Slim Amamou et Aziz Amami, dont le blog et la page Facebook ont été désactivés depuis qu’il a couvert les affrontements à Sidi Bouzid. Le rappeur Hamada Ben Amor, plus connu sous le pseudo d'El general, arrêté en même temps, a été libéré le 9 janvier.
Les autorités doivent réagir
«Les autorités tunisiennes ne peuvent occulter les preuves qui se font jour quant aux mesures d’intimidation et aux violences dont sont victimes ceux qui ne font qu’exercer leur droit à la liberté d’expression. Elles doivent libérer immédiatement toutes les personnes maintenues en détention uniquement parce qu’elles ont tenté de s’exprimer, ce qui inclut les trois blogueurs. Elles doivent également diligenter une enquête approfondie et impartiale sur les cas de décès et amener toute personne responsable d’avoir recouru à une force excessive ou ordonné d’y recourir à rendre compte de ses actes», a conclu Hassiba Hadj Sahraoui.
Aux termes des normes internationales, les armes à feu ne doivent pas être utilisées, à moins que cela ne soit absolument inévitable pour protéger des vies humaines. Les membres des forces de l’ordre doivent faire preuve de modération, limiter les dommages et les blessures, et respecter et préserver la vie humaine.