La veille de son arrestation, Sofiene Chourabi avait appelé à manifester devant le ministère de l’Intérieur contre ce qu’il décrit comme des manœuvres du parti Ennahda, actuellement à la tête du gouvernement, visant à imposer un nombre croissant de restrictions aux libertés publiques. Ce parti est connu pour son programme religieux conservateur.
«De plus en plus d’éléments montrent qu’en Tunisie le nouveau gouvernement restreint de manière croissante les libertés fondamentales», a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
«Il est plus que probable que l’arrestation de Sofiene Chourabi est due à son appel à manifester, ainsi qu’à l’ensemble de ses activités militantes contre le gouvernement.»
Réveillés par la police et libérés le lendemain
Sofiene Chourabi, qui est devenu célèbre pour avoir critiqué la politique de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali avant le soulèvement qui a chassé ce dernier du pouvoir, a déclaré à Amnesty International que lui-même ainsi que le journaliste Mehdi Jlassi et une amie avaient été réveillés vers trois heures du matin par une dizaine de policiers qui les ont menottés et qui ont fouillé leurs tentes.
Ils ont été emmenés dans un poste de police, d’où ils ont été libérés le lendemain.
Sofiene Chourabi et Mehdi Jlassi ont été inculpés des chefs d’ivresse sur la voie publique et d’atteinte aux bonnes mœurs. Une date devrait être fixée pour leur comparution devant un tribunal en septembre.
Amnesty International estime que la politique du gouvernement en matière de bonnes mœurs est utilisée pour étouffer la liberté d’expression.
«Si la protection des bonnes mœurs ou de l’ordre public constitue parfois une raison légitime pour limiter la liberté d'expression, une restriction de ce type ne saurait être imposée que si elle est absolument nécessaire, et il convient alors dans ce cas d'adopter la mesure la moins restrictive possible», a souligné Hassiba Hadj Sahraoui.
Un projet de loi pour réprimer les «atteintes au sacré»
Ces arrestations sont intervenues quelques jours après que le parti Ennahda a soumis à l’Assemblée nationale constituante tunisienne, l’organe chargé de rédiger la nouvelle constitution de la Tunisie, un projet de loi réprimant pénalement les «atteintes au sacré» sous forme de paroles, d’images ou d’actes et prévoyant une peine d’amende ou jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour les contrevenants.
«Dieu, ses prophètes, les livres sacrés, la Kaaba, les mosquées, les églises et les synagogues» sont considérés comme «sacrés» dans le projet de loi.
«Alors que la Tunisie devrait prendre des mesures pour renforcer le respect des droits humains, il est décevant de constater que ce projet de loi représente un pas dans la direction opposée et établit de nouvelles restrictions de la liberté d’expression», a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. «Il faut que les autorités tunisiennes rejettent ce projet.»