Ali Saleh, président du Yémen.
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L’accord sur le transfert de pouvoir au Yémen négocié sous l’égide du Conseil de coopération du Golfe (CCG) semble inclure une immunité de poursuites totale pour le président Ali Abdullah Saleh et les personnes ayant servi sous ses ordres, et pourrait éviter toute enquête et poursuite pénale pour la mort de centaines de manifestants au cours des derniers mois, ainsi que pour les autres graves violations des droits humains commises par le passé.
Amnesty International a exhorté le Conseil de sécurité de l’ONU, qui doit voter sous peu une résolution sur le Yémen, à garantir que l’accord de transfert de pouvoir n’accorde aucune immunité, quelles que soient la position ou l’affiliation des personnes concernées.
«Le président Ali Abdullah Saleh ne doit pas négocier une immunité contre son départ, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
«Le Conseil de coopération du Golfe doit retirer la clause d’immunité de sa proposition, tandis que le Conseil de sécurité doit indiquer clairement qu’aucun accord ne sera validé s’il exclut d’enquêter sur les graves crimes relatifs aux droits humains et de poursuivre les personnes soupçonnées d’en être responsables.
«Au Yémen, le chemin vers la paix ne s’arrête pas avec la fin des affrontements qui se déroulent actuellement, mais doit se prolonger par la comparution en justice de tous ceux qui ont perpétré des crimes tels que des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des disparitions forcées, lors des manifestations récentes mais aussi au cours des années précédentes», a ajouté Malcolm Smart.
Tirs sur des manifestants
Le vote du Conseil de sécurité intervient sur fond d’un regain des tensions à Sanaa ces derniers jours.
Samedi 15 octobre 2011, des hommes armés et des tireurs embusqués en civil auraient tiré à balles réelles sur les manifestants qui défilaient depuis leurs camps établis sur la place du Changement, à Sanaa, causant au moins 10 morts. Les forces de sécurité auraient également utilisé des gaz lacrymogènes et se seraient abstenues d’intervenir pendant les tirs.
Lors d’une manifestation organisée le lendemain, des tireurs embusqués en civil et les membres des forces de sécurité auraient ouvert le feu sur les participants, faisant au moins cinq victimes. De violents affrontements ont éclaté dans la nuit de dimanche entre les troupes gouvernementales et les unités dissidentes de la 1ère brigade de l’armée.
Au moins 15 manifestants sont morts au cours des récentes violences, venant s’ajouter à la liste des 200 victimes de la répression contre les manifestations en faveur de réformes qui ont débuté en février.
Le chef de l’État est rentré au Yémen fin septembre 2011, après trois mois de convalescence en Arabie saoudite, où il a été soigné après avoir été blessé lors d’une tentative d’assassinat.
Dans un rapport publié en avril 2011, Amnesty International a rendu compte des violations généralisées des droits fondamentaux commises lors des manifestations et appelé la communauté internationale à jouer un rôle plus actif pour que les Yéménites puissent obtenir justice et bénéficier de réparations pour ces crimes.
À la suite d’une mission d'enquête menée au Yémen en juillet 2011, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies a recommandé la tenue d’une enquête indépendante et internationale sur les violations perpétrées.
«Lorsqu’il va débattre de la crise au Yémen, le Conseil de sécurité doit faire écho aux recommandations du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et demander l’ouverture d’une enquête indépendante et internationale sur les atteintes présumées aux droits humains commises ces derniers mois, a estimé Malcolm Smart.
«L’autorité chargée de cette enquête doit être habilitée à renvoyer ces affaires devant des instances judiciaires nationales et, s’il existe suffisamment d’éléments à charge recevables, des poursuites doivent être engagées. Il est grand temps que ceux dont les droits ont été si gravement bafoués obtiennent justice et réparation.»