Des enfants du village d'Al-Akma jouant avec les restes d'une bombe MK80 utilisée dans une attaque aérienne.
Des enfants du village d'Al-Akma jouant avec les restes d'une bombe MK80 utilisée dans une attaque aérienne.

Yémen Assauts destructeurs contre les civils

Communiqué de presse publié le 18 août 2015 - Londres - Genève. Contact du service de presse
Les frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les attaques lancées par des groupes armés pro et anti-Houthis à Taizz et Aden, au Yémen, ont tué de très nombreux civils - parmi lesquels des dizaines de mineurs - et pourraient constituer des crimes de guerre.

Dans une synthèse intitulé ‘Nowhere safe for civilians’: Airstrikes and ground attacks in Yemen, Amnesty International met en relief les conséquences des frappes aériennes illégales effectuées par la coalition contre des zones résidentielles densément peuplées, ainsi que celles des attaques menées au sol par des groupes armés loyaux aux Houthis comme hostiles à ceux-ci, qui ont lancé des assauts d’une ampleur disproportionnée contre des zones civiles.

Sous des feux croisés meurtriers

«Les civils du sud du Yémen se retrouvent pris sous les feux croisés meurtriers des groupes houthis et anti-houthis, tout en vivant sous la menace constante des frappes aériennes de la coalition. Toutes les parties au conflit font délibérément preuve d’un mépris impitoyable pour la sécurité des civils», a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale à Amnesty International pour les situations de crise. «Le rapport décrit avec force détails poignants la mort et la destruction semées à Taizz et Aden par des attaques illégales imputées à tous les camps, et qui sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.»

Les attaques de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite

Lors d’une mission de recherche au Yémen en juin et juillet 2015, Amnesty International a enquêté sur huit frappes aériennes attribuées à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, qui a coûté la vie à au moins 141 civils et en a blessé 101 autres, pour la plupart des femmes et des enfants. Les éléments recueillis montrent que des zones densément peuplées comprenant des logements civils, une école, un marché et une mosquée ont été délibérément visées par des frappes. Dans la majorité des cas, aucune cible militaire n’a pu être identifiée à proximité.

«Les forces de la coalition ont failli de manière flagrante à leur devoir consistant à limiter le nombre de victimes civiles, qu’elles sont pourtant tenues de respecter aux termes du droit international humanitaire. Lorsque des attaques aveugles tuent ou blessent des civils, elles constituent des crimes de guerre», a déclaré Donatella Rovera.

Un résident, décrivant les répercussions d’une attaque menée contre une zone résidentielle où habitaient des employés d’une centrale électrique, à Mokha le 24 juillet, a dit que «des corps et des têtes» étaient éparpillés partout, «engloutis par le feu et les cendres», comparant ce qu’il avait vu à une scène du «Jugement dernier». Un autre résident a déclaré à Amnesty International qu’il continuait à être hanté par le souvenir de ce jour où il avait traversé des «mares de sang où surnageaient les membres sectionnés» de plus de 20 victimes.

Attaques des groupes armés

Amnesty International a également enquêté sur 30 attaques perpétrées à Aden et Taizz par des Houthis, soutenus par les forces armés et forces de sécurité loyales à l’ancien président Ali Abdullah Saleh, et par des groupes armés anti-Houthis, qui s’affrontaient sur place, tuant au moins 68 civils et en blessant 99 autres.

Des combattants des deux camps ont régulièrement utilisé des armes imprécises, dont des roquettes de type Grad, des mortiers et de l’artillerie, contre des zones densément peuplées, faisant ainsi preuve d’un mépris total pour la sécurité des civils. Les attaques aveugles de ce type sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.

Une des attaques les plus meurtrières, le 19 juillet, a été menée par des Houthis et leurs alliés contre Dar Saad, à Aden ; 45 personnes, pour la plupart des civils, ont alors perdu la vie.

De nombreuses attaques semblent avoir été lancées depuis des quartiers civils densément peuplés, en violation du droit international humanitaire. Un résident a expliqué que les civils se retrouvent pris au piège des affrontements : «Ils se battent et nous sommes pris au milieu, mais nous n’avons nulle part d’autre où aller.»

Des enfants parmi les victimes

Dans plusieurs des cas recensés, des enfants ont été tués ou blessés alors qu’ils jouaient dans la rue ou près de chez eux. La synthèse contient en outre plusieurs récits choquants livrés par des témoins et des rescapés ayant vu des corps coupés en deux et des membres sectionnés.

«Le fait que les parties au conflit s’abstiennent de limiter les risques pour les civils durant les affrontements a des conséquences vraiment dévastatrices pour les civils. Les blessures et homicides épouvantables causés mettent en évidence l’horrible réalité de la guerre, et l’impact meurtrier et durable de ces attaques sur les civils», a déclaré Donatella Rovera.

Commission d'enquête des Nations unies nécessaire

Amnesty International demande au Conseil des droits de l'homme des Nations unies de créer une commission d’enquête internationale chargée de mener une investigation indépendante et impartiale sur les crimes de guerre présumés commis dans le cadre du conflit.

Au 4 août 2015, les combats au Yémen avaient fait au moins 1 916 morts parmi les civils, selon le Haut-commissariat aux droits de l'homme des Nations unies. Au moins 207 biens de caractère civil, dont des biens immobiliers et des infrastructures, ont été complètement ou partiellement détruits par le conflit armé.

Crise humanitaire

Les souffrances des civils dans le sud du Yémen sont intensifiées par une crise humanitaire aiguë. Au moins 80 % de la population requiert une assistance humanitaire. Des services essentiels comme l’accès à l'eau potable et à l’électricité ont été suspendus, et le prix des denrées alimentaires a flambé.

Les dégâts infligés à des infrastructures logistiques cruciales telles que des ponts, des aéroports et des ports maritimes entravent par ailleurs fortement l’acheminement d’équipements humanitaires indispensables. L’accès à des soins de santé est également limité en raison de la fermeture de centres médicaux, des agressions fréquentes dont sont victimes les professionnels de la santé et de l’amenuisement des réserves d’électricité, de carburant, de médicaments et d’équipements chirurgicaux.