Un article paru dans l’édition du dimanche de la Sonntagszeitung le 2 juin 2019 fait référence à trois enquêtes indépendantes qu'Amnesty International a elle-même mandatées l'année dernière après le tragique suicide d'un collègue et d'une stagiaire d'Amnesty International. Gaëtan Mootoo, chercheur de longue date sur l'Afrique de l'Ouest, s'est suicidé à Paris le 25 mai 2018. Peu après, Roz McGregor, stagiaire de 28 ans, se suicidait à Londres le 1er juillet 2018. Elle avait travaillé durant cinq mois au bureau de l'ONU d'Amnesty International à Genève. Deux des enquêtes mandatées par l’organisation ont porté sur le contexte dans lequel ont eu lieu ces suicides. La troisième enquête a été consacrée au climat de travail au sein d'Amnesty International dans son ensemble.
Soulignons que le Secrétariat international de Londres emploie environ 600 personnes dans le monde entier. Lorsque tant de personnes de cultures différentes travaillent ensemble sur des contenus psychologiquement stressants, des problèmes peuvent surgir, que ce soit en lien avec le bien-être de chaque employé, l'atmosphère de travail ou le comportement de certains cadres.
Des exigences élevées
Ce qui est particulier dans le cas d'une organisation de défense des droits humains, c'est que tant les employé·e·s que les cadres et le grand public ont tous des exigences très élevées en ce qui concerne les conditions de travail et les comportements à suivre, ce qui est bien compréhensible. C'est la raison pour laquelle nous avons été choqué·e·s par les avis émis par nos employé·e·s sur notre climat de travail, et encore plus par les suicides de nos collègues. Nous avons immédiatement ouvert les enquêtes indépendantes mentionnées ci-dessus afin d'en déterminer les causes et d'agir le plus rapidement possible. Nous avons publié les résultats de ces enquêtes début 2019, car la transparence est l'une de nos valeurs fondamentales.
Le rapport externe sur le décès de Roz McGregor, stagiaire à Genève, a montré que son suicide n'était pas lié à son travail à Amnesty International. Nous ne pouvons pas en dire davantage à ce sujet.
Dans le cas de Gaëtan Mootoo, un lien entre les conditions de travail et sa mort a toutefois été établi. À la suite de la décentralisation de notre Secrétariat international, il s'est retrouvé seul dans son bureau à Paris et s'est senti surchargé par son travail de recherche. Il avait demandé à plusieurs reprises un poste d’assistant, qui n’a jamais été créé.
Améliorations requises
Suite aux déclarations parfois sévères faites par les employé·e·s dans le cadre de l'enquête mondiale réalisée sur le climat de travail au sein de notre organisation, nous avons rapidement conclu que nous devions procéder à des changements. L'ensemble de la direction de Londres a endossé sa part de responsabilité, et les sept membres de la direction (Senior Managment Team) ont offert leur démission de leur propre initiative. Le nouveau secrétaire général, Kumi Naidoo, a ensuite relevé cinq de ces démissionnaires de leur fonction et nommé une équipe de direction intérimaire pour gérer les affaires courantes dans les prochains mois. En tant que directrice de la Section suisse, j'ai été invitée à participer au processus de transition vers une nouvelle forme d’organisation. Nous nous efforcerons de créer une atmosphère de travail sereine, ouverte et respectueuse.
Complément d'information
Amnesty International se compose du Secrétariat international de Londres et de ses bureaux régionaux sur tous les continents, d'une part, et d'une cinquantaine de sections nationales, dont la Suisse, d'autre part. Les conclusions des trois études mandatées par Amnesty International ne concernent pas la Section suisse d’Amnesty International, mais uniquement le Secrétariat international. Toutefois, suite à ces enquêtes, en Suisse aussi nous allons redoubler d’attention pour que nos collaboratrices et nos collaborateurs se sentent valorisé·e·s et reconnu·e·s, et qu'ils puissent ainsi poursuivre leur importante mission, à savoir la défense des droits humains, dans de bonnes conditions.
La Section suisse d’Amnesty International est une association en droit suisse, avec son propre Comité exécutif, sa propre direction et des conditions de travail distinctes de l’organisation internationale. Notre structure est beaucoup plus petite que la structure internationale (62 employé·e·s en Suisse contre environ 680 employé·e·s au Secrétariat international).
La Section suisse d’Amnesty International est d'ores et déjà très attentive au bien-être de ses employé·e·s. Chaque employé·e peut s’adresser gratuitement et anonymement à un service de consultation psychologique, en cas de problèmes privés ou liés à son emploi chez Amnesty. Chaque employé·e peut s'adresser à la commission du personnel, qui fait des propositions d'améliorations des conditions de travail. Chaque employé·e peut s’adresser à une personne de confiance (deux personnes au sein du staff) s’il ou elle s’estime victime de harcèlement. Aucun cas de harcèlement n’a été signalé à la directrice depuis que celle-ci est en poste (2011).
Quelques chiffres au sujet d'Amnesty Suisse
- Le tournus parmi nos 52 collaborateurs/collaboratrices fixes est très faible : environ 2 à 7 départs par an.
- Les 11 stagiaires sont engagés pour une durée d’un an (sauf le stage pour organiser l’Assemblée générale qui est limité à six mois) et sont rétribués (environ 2300 francs par mois à 100%). Le feedback des stagiaires sur leur travail et sur les conditions offertes par Amnesty est quasiment unanimement positif.