Que reste-t-il aujourd’hui du droit d’asile vieux de plus de cinquante ans ? Certainement plus grand-chose. Un droit vidé progressivement de sa substance au fil du temps. La Suisse, dont on a longtemps vanté la tradition humanitaire légendaire, a fini par tomber le masque. Un revirement spectaculaire qui inquiète spécialistes et observateurs. Au cours des cinq dernières années, le pays s’est hissé au palmarès des Etats où le droit d’asile est violemment menacé.
Le dernier cas en date: l’expulsion prévue par le canton de Vaud de 523 requérants d’asile déboutés. Des hommes, des femmes et des enfants victimes d’une procédure arbitraire en ce qui concerne la décision sur leur admission en Suisse en tant que cas de rigueur. L’Office fédéral des réfugiés (ODR) leur ordonne de quitter la Suisse, alors que certains parmi eux considèrent leur pays d’accueil comme leur unique patrie. Et dans bon nombre des pays d’origine de ces requérants, la situation des droits humains est toujours préoccupante.
Chronique du cas vaudois
Tout commence en décembre 2001. Ruth Metzler, alors en charge du Département fédéral de Justice et Police (DFJP), rend publique une circulaire permettant l’octroi d’une admission provisoire aux requérants d’asile déboutés, financièrement autonomes, bien intégrés, séjournant en Suisse depuis au moins quatre ans. Janvier 2002: le gouvernement vaudois procède à un examen préliminaire de 2145 dossiers en souffrance dans les tiroirs du canton depuis 1991, susceptibles de répondre aux critères définis par la circulaire Metzler.
En février de la même année, 1523 dossiers sont soumis à l’ODR. Quelques mois plus tard, 118 personnes obtiennent une admission provisoire. L’année suivante, 125 cas sont réglés selon d’autres critères que ceux contenus dans la circulaire.
Mai 2004: le conseiller d’Etat vaudois en charge du Département des institutions et des relations extérieures (DIRE) signe un accord avec le successeur de Ruth Metzler au DFJP. Pierre Chiffelle et Christophe Blocher décident d’une solution de plus ou moins 50/50 pour les 1280 cas restant à trancher. Le 12 août 2004, le résultat tombe comme un couperet : 523 personnes ont reçu une réponse négative, sans qu’aucune explication ne leur ait été donnée. Aussitôt, des groupes de protestation se constituent : associations, Eglises, politiciennes et politiciens, syndicats, etc., montent au créneau pour manifester leur indignation. Une protestation tous azimuts qui place le conseiller d’Etat Jean- Claude Mermoud, chargé d’exécuter les renvois, dans une situation très embarrassante. Septembre 2004 : le Conseil d’Etat vaudois accepte la proposition d’Amnesty de créer un groupe de travail mixte, composé de deux représentants de l’Etat et de deux experts indépendants proposés par l’organisation. Ce groupe a pour mandat de réexaminer les dossiers des 523 déboutés de façon à garantir une procédure équitable pour tous.
Octobre 2004: les premiers dossiers complétés sont à nouveau soumis à l’ODR. Les décisions négatives tombent, dans l’arbitraire le plus total: l’ODR ne tient pas compte de la jurisprudence, dit une fois oui et l’autre fois non sur des dossiers pourtant similaires, les décisions ne sont accompagnées d’aucune justification et ne peuvent pas faire l’objet d’un recours. Amnesty International dénonce publiquement ces décisions arbitraires, qui rompent la garantie d’une procédure équitable pour tous. Le bras de fer est engagé.