Des histoires de pauvres qui érigent comme bannière leur courage et leur dignité. Les éternelles victimes de la spoliation et de l’adversité. Ces quelques mots de Fernando E. Solanas, dont la voix nous accompagne, avec beaucoup de poésie, tout au long de son film, La Dignidad de los nadies, résument tout. Au travers de dix petites histoires et de trois chroniques, ce sont tour à tour le ras-le-bol, l’espoir, la solidarité, l’unité et la dureté des situations qui nous sont contés. L’Argentine contemporaine se présente à nous à travers son peuple. Qui en a eu marre des plans d’ajustement structurel et qui est descendu dans la rue. Qui a rejeté la démocratie représentative et exigé d’enfin participer. Qui a dit stop aux banques dépouillant les classes moyennes appauvries. Qui a voulu du travail et qui a voulu manger.
Solidarité paysanne
L’incroyable solidarité argentine qui ressort de ce film est particulièrement bien montrée dans l’histoire de cette femme paysanne, Lucy, qui a initié un véritable mouvement de résistance contre les ordres de saisie frappant les fermes les unes après les autres. Son mari, dépressif, est décédé. Solanas parle de trois mille disparu·e·s suite aux effets de la «torture psychologique» dans ce contexte. Le modèle économique est en effet tel que les banques pillent le monde paysan avec des taux d’intérêt hors normes. Les propriétaires de terres sont piégé·e·s par l’hypothèque de leurs champs. Les dettes sont impossibles à rembourser, les récoltes ne suffisant pas. Quand Lucy comprend qu’il s’agit d’une injustice, elle rassemble les femmes qui vivent la même situation (les hommes ont trop honte d’être ruinés sur des terres durement acquises par leurs ancêtres migrants) et leur fait part de son illumination: elles vont se rendre aux ventes aux enchères et les empêcher en chantant l’hymne national. C’est ce qu’elles font, et ça marche.
Partout, la corruption
«Ça me fait de la peine, comment se fait-il que, dans un pays si riche, on ne puisse pas acheter un litre de lait?» Les paroles de ce vieillard, qui désespère de retrouver du travail un jour, ont pour réponse le mot «corruption». Cette tare se retrouve sous une forme ou une autre dans toute une série des petites histoires de Solanas: la mafia policière et politique, le budget ridicule des hôpitaux dû au remboursement de la dette publique et à la perte de la rente pétrolière, en exemples.
En résumé, Solanas raconte un pays dont le peuple se soulève parce que les solutions économiques sont toujours à la seule faveur des banques, en riposte de quoi les balles de plomb de la police n’hésitent pas longtemps dans le chargeur, provoquant des élans de solidarité plus grands encore. Les histoires couvrent la période qui s’étend de fin 2001 à 2005. Ce film a gagné plusieurs prix, notamment le Human Rights Film Network Award.