L’exposition surprend par sa taille relativement modeste, mais cela s’explique aisément: les documents traitant de cette époque sont rares. Les trois périodes présentées expliquent le contexte dans lequel les Khmers rouges sont arrivés au pouvoir, leur violence ainsi que ses conséquences sur le Cambodge actuel. La couleur des murs varie tout au long du parcours de l’exposition. C’est quasi dans la pénombre que le visiteur ou la visiteuse arrive dans la partie consacrée au régime khmer rouge. Un régime qui a exécuté environ deux cent mille personnes sans jugement. En 1976 ont commencé les purges qui visaient les cadres du parti ainsi que la population du Nord-Ouest puis de l’Est du pays. La plupart des détenu·e·s sont passé·e·s par des centres de détention dont le plus célèbre, installé dans un lycée à Phnom Penh, a été désigné par le nom de code S-21.
Une photo puis la mort
Des diapositives. Le regard des prisonniers et prisonnières du S-21 fixe le public. Ces personnes ont toutes un numéro épinglé sur les habits. Des hommes et des femmes de tout âge, des très jeunes et des mamans avec leur tout petit enfant. Ils ont été photographiés dès leur arrivée, puis interrogés. A l’issue de l’interrogatoire, la mort, toujours. Seuls sept ont survécu. Un film est présenté, celui de Rithy Panh. Dans ce documentaire, les victimes survivantes se confrontent à leur passé. Un homme raconte son arrivée au centre de détention. En même temps, il peint la scène comme pour mieux transcender la pénibilité du souvenir, pour se distancer, tant l’émotion est forte. Un autre homme fond en larmes, incapable de parler. Il a perdu toute sa famille. On retrouve le rapport de son interrogatoire à S-21. Bureaucrates, les Khmers rouges avaient tout consigné par écrit. L’homme qui témoigne a dénoncé soixante personnes. N’importe qui, parce que ses tortionnaires voulaient des noms et qu’il n’en pouvait plus d’être torturé.
Ce génocide n’a pas encore été reconnu officiellement. Les survivant·e·s traversent une crise morale et se réfugient dans le silence, d’autant plus que certains Khmers rouges occupent encore la scène politique du pays. Un procès qui désignerait les coupables devrait enfin avoir lieu en 2007. Il ne concernera qu’une dizaine de responsables et permettra une reconnaissance officielle des souffrances passées. C’est dire si les attentes sont énormes.