Dix fois plus en dix ans, c’est la croissance du nombre de femmes et de jeunes filles originaires d’Europe de l’Est ou d’Afrique, acheminées en Grèce pour y être contraintes de vendre leur corps. Il y a peu, le gouvernement a enfin pris des mesures pour protéger les victimes. De nouvelles lois ont été adoptées en 2002, mais des lacunes subsistent dans la pratique.
Victimes expulsées
Pour protéger les «victimes de la traite», il faut d’abord les identifier comme telles. En Grèce, nombre d’entre elles ne sont pas répertoriées : soit elles sont arrêtées pour séjour illégal et expulsées, donc réexposées aux trafiquants, soit elles n’ont jamais été repérées, faute d’une police correctement formée sur l’ensemble du territoire.
L’identification est difficile, beaucoup de femmes se considérant comme responsables de ce qui leur arrive. La peur des représailles contre soi ou sa famille fait aussi obstacle. Sans parler de la fragilité dans laquelle leur statut illégal les plonge. D’après le Centre d’Information pour les femmes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe de l’Est (FIZ), spécialisé dans la question de la traite en Suisse, les renvois sans accès à une protection sont aussi fréquents dans notre pays.
Protection insuffisante
Pour les non-ressortissantes de l’Union européenne, le droit à la protection et à l’assistance n’est respecté en Grèce que si, à l’issue d’un délai de réflexion – jugé trop court dans le rapport – les femmes acceptent de témoigner contre les trafiquants. Dans le cas contraire, elles peuvent être expulsées, ce qui se produit aussi en Suisse. Concernant les soins médicaux, un décret grec permet aux victimes de bénéficier d’une totale prise en charge pendant leur période de protection. Un système généreux qui reste théorique, car le personnel médical en est mal informé.
Mais surtout, la Grèce ne serait pas à même de protéger les témoins. Susanne Bachmann, du FIZ, fait un constat similaire en Suisse : «La question est très délicate. Nous souhaitons bien sûr que les coupables rendent des comptes, ce qui nécessite la déposition des victimes. Or nous ne pouvons leur garantir une protection de longue durée et devons les avertir que, dans le meilleur des cas, elles pourront rester en Suisse seulement jusqu’à la fin du procès.» En conséquence, les trafiquants sont rarement condamnés. De plus, comme en Grèce, les procédures s’éternisent, le stress des victimes se prolonge et un grand nombre d’entre elles se rétractent.
Pour lutter contre cette exploitation humaine, reste la possibilité de s’attaquer à la demande. C’est ce que font en Suisse Amnesty International et d’autres organisations avec une campagne de sensibilisation du grand public lancée à l’occasion de l’Euro 08.