«La situation n’a pas changé. Il y a toujours aussi peu d’acteurs présents, bien que la Somalie soit réapparue dans les journaux lors de l’intervention militaire éthiopienne à la fin de l’année.»
Aymeric Péguillan s’insurge. Il est porte-parole de Médecins sans frontières (MSF), une des rares organisations internationales présente sur place. MSF vient de rouvrir une structure médicale dans la ville de Dinsor, qu’elle avait dû fermer en raison des combats. A présent, un calme relatif est revenu depuis que les forces de l’Union des tribunaux islamistes, qui avaient pris le pouvoir en mars 2006, semblent vaincues.
Le temps est aux jeux politiques et aux négociations diplomatiques. Un contingent de l’Union africaine (UA) devrait prendre la place des troupes éthiopiennes. «Je suis confiant que les soldats de la force africaine vont se déployer avant la fin du retrait définitif de l’Ethiopie pour éviter un vide. Cela veut dire d’ici deux à trois semaines», annonçait le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Seyoum Mesfin, au cours d’une conférence de presse à l’issue du 8e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA fin janvier. Mais à ce stade, seul·e·s trois mille des huit mille soldat·e·s escompté·e·s sont garanti·e·s, et les troupes éthiopiennes sont loin de s’être retirées. «On les entend parfois circuler pendant la nuit, explique Aymeric Péguillan. Le sentiment antiéthiopien est très fort en Somalie, et leur présence ne facilite pas le calme.» Car le gouvernement provisoire somalien (TFG) est encore très fragile et il lui est difficile d’asseoir sa légitimité sur les nombreux clans qui se disputent le pouvoir depuis 1991.
La communauté internationale rechigne à soutenir le fragile équilibre obtenu, peut-être en raison de l’échec des interventions précédentes : l’Onusom des Nations unies et l’opération américaine Restore hope (Rendre espoir), subitement interrompue après la mort de dix-huit militaires américains en octobre 1993. «Je suis exaspéré par le manque d’efforts fournis par la communauté internationale depuis la fin des opérations, s’exclame Aymeric Péguillan. C’est le désert. La Somalie n’intéresse personne.»
Pourtant, par crainte d’y voir se développer des foyers «terroristes», l’armée de l’air américaine a réalisé des frappes aériennes le 7 janvier sur un village du Sud du pays, tuant au moins trente civil·e·s. Selon le Pentagone, cette opération visait «de hauts responsables d’Al Qaïda». Une opération vivement condamnée par Amnesty International. Après seize ans de changements de pouvoir, de chaos et d’absence totale d’Etat, il faudra beaucoup d’efforts, et l’implication de la communauté internationale devra se manifester autrement que par des frappes aériennes, pour que la population somalienne puisse enfin jouir de ses droits.