Les espoirs étaient immenses, le 15 mars 2006, lorsqu’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies marquait la naissance du Conseil des droits de l’homme (CDH): un organe fort, capable de dicter des recommandations au Conseil de sécurité, remplacerait la Commission des droits de l’homme discréditée par les querelles politiques. Dans la majorité des cas, instances étatiques comme ONG saluaient la création du Conseil. Elles adhéraient avant tout au caractère permanent du CDH, convocable à la demande d’un certain nombre d’Etats. L’autre grande innovation était l’examen périodique universel, qui entend mettre sur pied d’égalité chaque Etat en faisant évaluer par le Conseil s’il respecte ses obligations en matière de droits humains. Il s’agissait de donner plus de poids aux droits humains au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU).
«Trop c’est trop»
De belles intentions qui, depuis la création du Conseil en juin, buttent sur la mise en place des procédures. Et l’impatience commence à se faire sentir. «Trop c’est trop, lâche Peter Splinter, représentant d’Amnesty International auprès de l’ONU. Jusqu’à présent, le Conseil s’est focalisé sur son fonctionnement interne. Il est temps qu’il entame sa tâche principale et commence à travailler réellement sur les questions de droits humains.» Critiques encore plus fortes de la part du représentant du Centre Europe Tiers- Monde (CETIM), Malik Özden, qui considère que le Conseil est un «chaos». Une chose est sûre: depuis sa création, aucune décision rapide et opérationnelle n’a pu être prise pour empêcher de lourdes catastrophes humanitaires, comme au Liban, dans les Territoires occupés ou au Soudan. Le Conseil a bien fini par adopter une résolution sur le Darfour, mais beaucoup trop tard au regard de l’enlisement de la situation. Cette décision a au moins eu pour effet de rétablir un peu la confiance régnant au sein de la Commission, principal frein au fonctionnement du Conseil selon Peter Splinter. «Le problème est que toutes les délégations n’ont pas la même conception du Conseil: certaines y voient un échange d’experts indépendants, d’autres une réunion entre Etats.» C’est notamment le cas d’une partie des délégations africaines, qui craignent que l’Union européenne n’utilise le Conseil pour leur donner des leçons. Le soupçon pèse d’ailleurs sur certaines délégations de vouloir saboter l’institution. «J’ai l’impression que les Etats ne sont pas pressés d’avoir des règles de fonctionnement efficace», dénonce Malik Özden.
Des erreurs de jeunesse
Pourtant, on peut penser qu’il s’agit d’erreurs de jeunesse et qu’il faut encore laisser du temps au CDH. La cheffe des Affaires étrangères suisses, Micheline Calmy-Rey, refuse par exemple de «peindre le diable sur la muraille». Lors d’une conférence de presse le 22 janvier, elle a défendu le nouveau Conseil, qui doit encore se donner des règles. Il est notamment fondamental que les pays s’engagent pour renforcer les procédures spéciales, comme les rapporteurs indépendants, un des outils efficaces hérités de la Commission. Comme le dit Peter Splinter, «la question n’est pas de savoir si le Conseil est mieux ou moins bien que la Commission, mais de s’assurer qu’il fonctionne le mieux possible».