Grozny en l’an 2000, juste après la deuxième guerre de Tchétchénie. C’est dans un décor de ruines que se déroule l’histoire de cette bande dessinée. On y suit un jeune médecin français et son chauffeur en mission pour une ONG, allant de tente en tente pour apporter de l’aide aux rescapé·e·s du conflit. Mais cette histoire n’est en fait qu’un support pour parler des catastrophes que ce peuple endure depuis tant d’années et de siècles.
Les réalités humaines de la guerre
Au fil des 238 pages, les auteurs nous livrent plusieurs séquences de rappels historiques, de scènes de vie, mais aussi de plongées dans des traumatismes personnels. Ces petites touches donnent au tout une forte consistance. La bande dessinée est probablement le seul support qui permette de faire ainsi passer les réalités d’une situation aussi misérable. Une situation dont on connaît les aspects inhumains, mais dont il ne faut pas oublier la composante humaine. C’est d’ailleurs sur cette note que se conclut l’album. On oublie trop souvent que les «victimes », les «blessé·e·s», les «réfugié·e·s» sont avant tout des êtres humains.
Une violence sans fin
Les dessins en noir et blanc sont prenants et marquants. On est envahi par une sorte d’onde de choc qui nous touche profondément, un rythme qui fait dévorer les pages. C’est l’histoire des malheurs d’un peuple qui a toujours voulu être libre et en paix. Chassé, exterminé, parqué dans des camps: le sort s’acharne sur le peuple tchétchène. D’un côté le pouvoir russe autoritaire et impitoyable, de l’autre des chefs de guerre comme Chamil Bassaev, à qui l’on doit la prise d’otage du théâtre à Moscou et celle de l’école de Beslan. La violence s’entretient. Et les deux auteurs ne manquent pas de mettre le doigt sur l’attitude indécente de la communauté internationale, qui s’est désintéressée de ce qui se passe dans cette petite province russe pour ne pas risquer de froisser la susceptibilité du Kremlin. Ce premier album du tandem Tamada et Rash est une réussite sur bien des plans et l’on attend avec impatience le deuxième, consacré à un autre pays du Caucase.