Werner Velásquez a été assassiné le 13 août 2007 dans son véhicule. Des individus lui ont tiré dessus au moyen de kalachnikovs près de Huehuetenango, dans le Nord-Ouest du Guatémala. Maire d’un petit village de la région, Werner Velásquez avait 29 ans. Il briguait un siège au Parlement et il est le quarantième candidat à avoir été tué depuis l’ouverture d’une campagne électorale d’une violence sans précédent. Le Guatémala est l’un des pays au monde les plus touchés par la violence armée. Depuis la fin de la guerre civile qui a déchiré le pays pendant trente-six ans et occasionné des milliers de morts et de «disparitions», le nombre d’armes en circulation dans le pays n’a cessé d’augmenter et le taux d’homicides est en constante croissance.
Quinze victimes par jour
Aujourd’hui, ce sont près de quinze personnes chaque jour qui sont victimes de cetteviolence extrême qui touche aussi bien la population des zones urbaines que celle de la campagne. La guerre entre les différents cartels qui tentent de contrôler le marché de la drogue, en pleine expansion, génère un important lot de victimes. Mais, alors que moins de deux pour cent de la population possède septante pour cent de la terre cultivable, et que sept personnes sur dix doivent survivre avec moins d’un dollar par jour, les conflits fonciers entre les indigènes, chassés de leurs terres au moment de la guerre civile, et les gros propriétaires, contribuent également à grossir cette triste statistique.
Le Guatémala, il faut le préciser, est le seul pays de la région dont la Constitution garantit à ses citoyen·ne·s le droit de porter une arme. Près de vingt pour cent des décès dans le pays sont causés par des armes à feu. Les femmes sont particulièrement menacées. Selon des données fournies par la police, 2677 d’entre elles ont été tuées entre 2001 et 2006.
Révision de la loi contestée
Une loi sur les armes et les munitions est en discussion devant le Parlement depuis juillet 2005. Selon cette loi, toute vente d’armes entre particuliers devrait être soumise à autorisation et toute arme devrait être enregistrée. Mais ce projet de loi ne satisfait pas les milieux engagés en faveur du désarmement et de la paix au Guatémala.
Le Conseil national pour les accords de paix (CNAP), chargé de surveiller la mise en oeuvre du traité de paix de 1996, a récemment fait part de son inquiétude face à certaines lacunes dans ce projet. Le président du CNAP a dénoncé une «permissivité excessive dans le projet de loi» et a suggéré notamment d’introduire une interdiction de délivrer des ports d’armes aux personnes de moins de vingt-cinq ans, d’exiger un examen technique et psychologique de la part des candidat·e·s à la licence, de ne pas autoriser plus de trois armes par personne et pas plus de trois cents cartouches par mois [sic]. Face au nombre croissant d’entreprises de sécurité privées – le pays compte maintenant plus d’agents privés que de membres de la police civile créée sur la base de l’accord de paix de 1996 – le CNAP a également suggéré d’amender la loi sur les entreprises de sécurité privée, de manière à garantir de meilleurs contrôles sur les armes qui sont en leur possession et d’évaluer le profil psychologique de leurs agent·e·s.
Le président de la Commission nationale pour l’élimination des armes légères, José Alfredo Calderón, estime pour sa part que «l’idéal serait que seules les forces de sécurité de l’Etat puissent porter des armes à feu, mais comme la Constitution le permet à tous les citoyens, il faut au minimum mettre en place un système de contrôle strict pour qu’elles ne soient pas utilisées à mauvais escient». Il ajoute que le simple fait de porter des armes à titre «défensif» engendre la violence.
La nouvelle loi sur les armes, quel que soit son niveau de permissivité, ne sera pas facile à faire voter. En 1999, le peuple a en effet rejeté par voie de référendum l’introduction d’une cinquantaine d’amendements à la Constitution qui visaient à mieux contrôler la circulation des armes dans le pays. Le Parlement n’accorde désormais à la révision de la loi qu’une importance secondaire.
Les armes contre la violence?
Le vainqueur des élections présidentielles, Alvaro Colom, a promis de faire de la lutte contre la violence sa première priorité. Pour plus de sécurité, il compte mettre en place des lois plus dures et un contrôle plus sévère sur les armes. Il est à craindre cependant qu’un renforcement des forces de sécurité ne règle ni le problème de la pauvreté, ni celui du contrôle des forces paramilitaires qui répandent la terreur parmi les populations rurales. A Ciudad Guatémala, la capitale, le personnel des compagnies privées de sécurité des banques, des hôtels et des centres commerciaux donne une image de constante militarisation. Dans les zones rurales, cette militarisation croissante n’a pas réussi à ce jour à contrôler les activités des forces paramilitaires illégales. Souvent issues d’anciennes unités de l’armée – créées à l’époque de la guerre civile pour abattre la guérilla – et de milices des cartels de la drogue, elles assassinent en toute impunité.
La parole aux communautés
Quelques rares mouvements de la société civile tentent d’apporter d’autres solutions à la crise, notamment par le biais d’un travail visant à faire mieux entendre les voix des différents groupes ethniques qui composent le pays. Des «communicateurs et communicatrices» ont été formé·e·s au sein des diverses communautés. Ces personnes sont chargées d’un travail simultané d’information et d’éducation. Elles utilisent pour ce faire les radios locales et la presse régionale publiée dans les vingt-deux dialectes couramment parlés dans le pays. Les paysan·ne·s mayas comptent beaucoup sur ces initiatives pour faire baisser le taux de violence et développer la démocratie et le sens de la justice dans le pays.