L’Ukraine, la Bulgarie, la Roumanie, la Lituanie et surtout la Moldavie servent de plaque tournante pour ce marché florissant. Exclue de la prospère Europe, la Moldavie a une économie à la dérive. Depuis plusieurs années, le crime organisé s’est infiltré partout et les trafics en tout genre font fleurir l’économie parallèle. Le trafic d’êtres humains s’est beaucoup développé, au point de devenir presque industriel. Il n’est pas difficile d’appâter des femmes qui viennent des campagnes, qui ont généralement peu d’éducation, pas d’emploi et des enfants à nourrir. C’est le plus souvent une connaissance, un ami, un membre éloigné de la famille qui propose un travail en Europe et l’assurance d’un salaire correct. Prises dans ces pièges ou tout simplement enlevées, les femmes disparaissent rapidement dans les réseaux mafieux. Elles n’ont parfois que quatorze ans.
Les rendre dociles
Les méthodes de ces groupes sont bien rodées et redoutablement efficaces pour transformer ces femmes en esclaves. Leurs papiers leur sont confisqués, on leur impose de grosses dettes à rembourser – soi-disant pour payer les frais de leur voyage – elles sont violées à répétition, battues, séquestrées, affamées. Rapidement, ce traitement les rend dociles.
Leur voyage passe souvent par les Balkans. Elles peuvent être vendues et revendues plusieurs fois. Une femme peut s’acheter de cinq cents à quelques milliers d’euros. L’Arizona Market, par exemple, est connu pour la traite. C’est un grand espace commercial détaxé le jour, près de Brcko en Bosnie. Une fois la nuit tombée, c’est un des lieux fameux pour ces achats particuliers et un haut lieu de la prostitution. Mais des êtres humains se vendent et s’achètent dans de nombreux autres endroits des Balkans. Ces transactions sont presque toujours ponctuées de violences, de viols et d’humiliations, enfonçant toujours plus la victime dans sa condition d’esclave.
La Grèce et Chypre
En Grèce, le nombre de cabarets a énormément augmenté depuis les années 1990 ; le nombre de prostituées originaires des pays de l’Est aussi. La plupart d’entre elles sont les victimes de groupes mafieux. Le gouvernement a pris certaines mesures, mais Amnesty International a constaté qu’elles ne se traduisent souvent pas dans les faits.
Un des rares procès qui a pu avoir lieu mettait en cause plusieurs proxénètes ainsi que la police de Santorin. Les femmes qui avaient accepté de témoigner ont été traitées très durement par le tribunal. L’affaire, qui a commencé en ı998, a été retardée et ralentie jusqu’à aboutir, en 2003, à l’acquittement des accusés.
A Chypre, les filles de l’Est entrent avec un « visa d’artiste » et pensent venir pour travailler comme serveuses. Là aussi, c’est souvent une connaissance qui leur a promis un travail correctement payé. Mais c’est dans des cabarets qu’elles arrivent ; enfermées, forcées de danser, de se prostituer, elles deviennent victimes de ces pièges bien connus sur l’île mais trop lucratifs pour que les autorités fassent réellement quelque chose. Le semblant de réglementation est aisément contourné et les responsables ne sont pas inquiétés. Pour mieux lutter contre ces plaques tournantes de la traite des femmes, il est nécessaire de travailler avec les gouvernements pour que des législations adaptées soient mises en place et appliquées et pour que les victimes reçoivent une protection adaptée à leurs besoins.