Viachaslau Bortnik, appelé Slava par ses ami·e·s, nous salue par un: «Je suis heureux que vous vous intéressiez à la situation des homosexuels en Biélorussie», dans un anglais parfait. Le jeune homme au rire sympathique sait que, très souvent, le public qui désire en savoir plus sur son pays s’intéresse davantage à d’autres thèmes qu’aux droits des homosexuel·le·s.
Les LGTB (lesbiennes, gays, bisexuel·le·s et transgenres) sont confronté·e·s aux mêmes problèmes que rencontrent les opposant·e·s politiques et les organisations de la société civile en Biélorussie. La liberté d’expression, de réunion et la liberté de la presse n’existent pas pour celles et ceux qui osent critiquer le style totalitaire d’Alexandre Loukachenko, qui dirige le pays d’une main de fer. «Mon pays est en guerre avec les organisations de la société civile. Les regroupements informels et les initiatives sont interdits et punis de une à trois années de prison », explique Viachaslau Bortnik. La faute au code pénal adapté en 2005. «Amnesty International est également considérée comme criminelle, car l’organisation n’est pas officiellement reconnue.»
L’Etat et l’Eglise
Les homosexuel ·le·s sont cependant menacé·e·s à plusieurs égards en Biélorussie. Jusqu’en 1994, l’homosexualité était interdite par la loi. Des milliers de personnes ont été emprisonnées sous cette accusation. Aujourd’hui, la discrimination continue au niveau des institutions de l’Etat, de l’Eglise et de la société. « Il n’existe pas de loi anti-discrimination qui régit les principes d’égalité et offre une protection », déclare Viachaslau Bortnik. Ainsi, il arrive régulièrement que des personnes perdent leur emploi à cause de leur orientation sexuelle sans qu’elles puissent s’y opposer légalement. Il y a des métiers que les LGBT ne peuvent pas exercer, comme l’enseignement ou d’autres professions en contact avec des enfants. Ils ne peuvent pas non plus faire le service militaire car ils sont considérés comme «malades» et «pervers». «De nombreuses personnes sont contentes de ne pas devoir faire le service militaire, mais c’est tout de même une discrimination.» L’idée selon laquelle l’homosexualité est une maladie est aussi largement répandue dans le système de santé. «De nombreux psychiatres et psychologues traitent leurs patients homosexuels comme des anormaux ou des malades.»
Mépris et attaques
« Le comportement de la police et des services de sécurité est un des plus grands problèmes », déclare Viachaslau Bortnik. Ils refusent d’enquêter sur les cas de violence envers les LGBT, que ce soit dans le cadre privé ou public. Pire, dans certains cas, ce sont les policiers eux-mêmes qui se rendent coupables de violences physiques ou verbales. Le 21 mai dernier, Edward Tarletski, membre du comité de Lambda Belarus, la première organisation homosexuelle de Biélorussie, a été violemment agressé par trois jeunes hommes devant sa maison jusqu’à en perdre connaissance. Il a cependant renoncé à porter plainte sachant que cela aurait été une pure perte de temps. Ces cinq dernières années, il a déjà été attaqué trois fois.
le reflet d’une profonde homophobie ancrée dans la société biélorusse. Selon une enquête de Lambda Belarus, quarantesept pour cent de la population est d’avis que les homosexuel·le·s devraient être enfermé·e·s. Même d’autres organisations de la société civile refusent de collaborer avec les groupes LGBT. Les plus hautes instances religieuses et étatiques soutiennent cette façon de voir. L’Eglise orthodoxe, qui a une grande influence en Biélorussie, définit l’homosexualité comme « le plus grave de tous les péchés». Même le président Loukachenko a laissé entendre que l’homosexualité était une perversion «apportée par l’Ouest» dans un discours prononcé en 2004 à Minsk. Et les médias contrôlés par l’Etat utilisent le mot «gay» comme une injure pour diffamer l’opposition. Il n’est donc pas étonnant que la majorité des homosexuel·le·s de Biélorussie essaient de cacher leur orientation sexuelle. Ce qui n’a pas empêché les LGBT de se mobiliser ces dernières années.
Contre la discrimination
L’article 2 de la DUDH pose l’universalité des droits humains, qui transcendent toutes les particularités. L’humanité est pensée comme indivisible.C’est le socle de la Déclaration: « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté. » Les articles 2 des Pactes sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels réaffirment ce principe de non-discrimination. Dans les années soixante, les Etats se sont concentrés sur l’abolition de la discrimination raciale et ont adopté en 1966 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Un peu plus de dix ans plus tard,en 1979,ils se sont penchés sur la discrimination dont sont victimes les femmes et ont adopté la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.