MAGAZINE AMNESTY Film «A corps perdu»

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°58, publié par la Section suisse d’Amnesty International, septembre 2009
Hunger, un film de Steve McQueen, vient de sortir en DVD. L’oppression carcérale, des corps à l’état brut, des nerfs à fleur de peau, de la violence physique, le silence. Ces images pourraient émerger de nouvelles révélations de dérapages de soldat·e·s américain·e·s en Irak ou à Guantánamo. Et pourtant, nous sommes en 1981, en Irlande du Nord. Les années passent, mais la violence du milieu carcéral perdure.

Film «A corps perdu»

Raymond Lohan est surveillant, affecté au sinistre Quartier H, celui des prisonniers politiques de l’armée républicaine irlandaise (IRA) qui ont entamé le Blanket and No-Wash Protest pour témoigner de leur colère. Le jeune Davey Gillen, qui vient d’être incarcéré, refuse de porter l’uniforme. Rejoignant le mouvement du Blanket Protest, il partage une cellule répugnante avec Gerry Campbell, autre détenu politique, qui lui montre comment communiquer avec l’extérieur grâce au leader Bobby Sands. Lorsque la direction de la prison propose aux détenus des vêtements civils, une émeute éclate. La violence fait tache d’huile et plus aucun gardien de prison n’est désormais en sécurité. Raymond Lohan est abattu d’une balle dans la tête. Bobby Sands s’entretient alors avec le père Dominic Moran. Il lui annonce qu’il s’apprête à entamer une nouvelle grève de la faim afin d’obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l’IRA.

Dans un film âpre et sans concession, Steve McQueen transcrit cette résistance et cette lutte contre l’injustice à coup de longs plans-séquences silencieux et de plans caméra à l’épaule. Passages à tabac, provocations, grève de la faim, le corps y est disséqué sous toutes ses formes. Artiste contemporain anglais, Steve McQueen signe avec Hunger un premier long métrage brillant, d’ailleurs récompensé par la Caméra d’or au dernier festival de Cannes. Jamais un film n’a su saisir le monde carcéral avec autant de réalisme. Un huis-clos étouffant, à même la peau des détenus. Difficile d’en sortir indemne. Ame sensible s’abstenir.