AMNESTY: Vous venez de terminer votre troisième documentaire sur le Guatemala. Pourquoi ce choix de cibler votre travail sur ce pays?
Gregory Lassalle: Je ne me considère pas comme cinéaste ou journaliste. Il ne s’agit pas de choisir la thématique des films que je souhaite réaliser selon le pays où l’actualité se passe, mais plutôt de m’engager pour le pays où je travaille, le Guatemala. Je travaille pour une association de solidarité et d’appui aux organisations de droits humains. C’est dans ce cadre que nous produisons ces documentaires car nous pensons que la communication, le partage de l’information à travers l’audiovisuel sont indispensables afin de pouvoir dénoncer les situations d’injustice qui se vivent dans le pays. Surtout quand il s’agit de lutter contre de forts pouvoirs en place, les transnationales ou encore l’oligarchie nationale.
Parmi toutes les graves violations des droits humains commises au Guatemala, pourquoi avoir choisi de parler du business de l’or?
L’or reste une industrie à part, qui permet des bénéfices extraordinaires et qui symbolise la phase spéculative à «court terme» du capitalisme actuel. Alors que du côté des populations, on souffre de conflits, de menaces, de spoliation de terres et de plaintes légales. Vu globalement, le projet d’exploitation de la mine Marlin par la transnationale canadienne Goldcorp Inc. n’est qu’un des éléments d’un vaste plan d’exploitation massive des ressources naturelles. Ce plan, coélaboré par le secteur économique national et transnational, lancé depuis les accords de paix de 1996, prévoit le développement de la production d’électricité, de pétrole, de minéraux, de palmes africaines, etc.
En quoi le projet d’exploitation de la mine Marlin est-il particulier?
Ce projet est un projet pionnier et à ce titre il doit permettre aux compagnies d’évaluer la «viabilité sociale, économique, juridique et politique» de l’industrie minière au Guatemala. Si ce projet arrive à se développer, la porte est alors ouverte pour les autres compagnies. Et il ne faut pas oublier qu’il y a plus de trois cents concessions minières octroyées à des transnationales dans le pays. De plus, la réorganisation du mouvement social après les accords de paix s’est faite à partir de la défense du territoire et la revendication de l’autodétermination. La mine Marlin et la transnationale Goldcorp Inc. sont devenues une des cibles permanentes de dénonciation des populations.
Avec ce nouveau film, quels sont vos objectifs par rapport à la situation sur place, dans les territoires indigènes?
L’objectif principal est de mener un peu la vie dure à cette transnationale et à ses alliés, et de faire passer un message: les populations continueront à lutter pour la défense de leurs territoires, et la présence des compagnies minières continuera de provoquer des conflits sociaux. Ce schéma se répétera tant que la logique d’exploitation, de spoliation et de «développement» de ces compagnies ne sera pas remise en cause.