MAGAZINE AMNESTY Echos Le traumatisme Schwarzenbach

En 1970 et 1974, les Suisses ont été appelé·e·s à voter pour limiter le nombre d’immigré·e·s dans le pays. Malgré leur rejet, ces initiatives ont eu un effet traumatisant sur les étrangers. Dix personnes ont accepté de témoigner pour un documentaire, Les années Schwarzenbach. Bruno Corthésy, coordinateur du film et historien, raconte ce projet. Ces deux initiatives ont été lancées par l’Action nationale et défendues par James Schwarzenbach.

Traumatisme SchwarzenbachEn 1970 et 1974, les Suisses ont été appelé·e·s à voter pour limiter le nombre d’immigré·e·s dans le pays. Malgré leur rejet, ces initiatives ont eu un effet traumatisant sur les étrangers. Dix personnes ont accepté de témoigner pour un documentaire, Les années Schwarzenbach. Bruno Corthésy, coordinateur du film et historien, raconte ce projet. Ces deux initiatives ont été lancées par l’Action nationale et défendues par James Schwarzenbach.

 

Amnesty: Pourquoi ne pas avoir interrogé des Suisses qui ont voté à cette époque ?

Bruno Corthésy: Cela vient d'une initiative de l'université pour seniors Connaissance 3. Des membres de cette structure se sont rendu compte que peu d'étrangers fréquentaient leurs cours. Ils ont donc eu envie de s'ouvrir aux immigrés à travers un projet.

Un projet concrétisé par la réalisation de ce moyen-métrage. Mais pourquoi avoir choisi ces initiatives?

Ces deux scrutins sont un point de référence, au même titre que la votation sur les minarets. Les immigrés de l'époque, aujourd'hui retraités, ont été marqués par ces évènements. Cependant, les témoignages les plus poignants viennent des enfant de ces étrangers qui ont beaucoup souffert, à l'école, des remarques de leurs camarades et professeurs. Ça a été un vrai traumatisme pour eux. Ils étaient moins endurcis que leurs parents qui savaient prendre de la distance.

Pour beaucoup, ces votations font partie du passé et la page est tournée: on a voté là-dessus, ça a été refusé, c'est fini. Pour moi, au contraire, ces votations n'étaient qu'un début. Elles ont ouvert la porte à d'autres scrutins de même nature jusqu'à aujourd'hui.

A-t-il été facile de trouver des personnes qui voulaient témoigner?

Nous avons utilisé plusieurs canaux pour nos recherches: petites annonces, associations culturelles, le réseau de Connaissance 3, etc. Certaines personnes ont catégoriquement refusé de prendre la parole en argumentant qu'elles n'avaient pas subi d'ennuis avec ces votations. Je pense plutôt qu'elle n'ont pas voulu remuer quelque chose de pénible. C'est, en quelque sorte, une forme de déni.

Pourquoi ne pas avoir interrogé des Suisses qui ont voté à cette époque?

Nous aurons effectivement pu demander le point de vue de citoyens helvétiques, de xénophobes, de représentants politiques de l'époque, et faire un montage des différentes interviews sans rien leur demander. Mais le concept de notre film est de faire participer activement les intervenants. Nous avons réuni toutes ces personnes et nous avons discuté des thèmes à aborder et des séquences qui ne leur plaisaient pas. Elles ont pleinement pris part à la réalisation du projet.

Remarquez-vous des similitudes entre les mentalités de l'époque et la mentalité actuelle?

Nous n'avons pas essayé de faire de parallèle. Mais beaucoup d'arguments et de clichés demeurent. Toutefois, certaines choses ont changé. Par exemple, à l'époque, il y avait le plein emploi dans notre pays. On faisait venir des trains entiers d'immigrés pour travailler. Du coup, les Suisses ont accusé ces étrangers de bénéficier d'avantages pour s'expatrier et donc d'être plus riches que les Helvètes.

Le documentaire Les années Schwarzenbach sera diffusé en avant-première le 30 septembre à 20h30 à la salle de spectacle de Renens. Autres dates de projection sur le site www.unil.ch/connaissance3

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°62, publié par la Section suisse d’Amnesty International, septembre 2010.