Le 27 avril dernier, dans l’Etat d’Oaxaca, au sud-est du Mexique, la défenseuse des droits humains Betty Cariño et l’observateur Jyri Jaakola ont été assassinés. Betty était membre de l’équipe de coordination du réseau mexicain des victimes des mines (REMA) et dirigeante du collectif CACTUS. Jyri était observateur international finlandais. Tous deux participaient, avec de nombreux membres d’organisations non-gouvernementales nationales et internationales, à une caravane de solidarité avec la communauté indigène autonome de San Juan Copola. Les sept cents habitant·e·s de la communauté étant encerclé·e·s par des troupes paramilitaires depuis plusieurs mois, la caravane avait pour mission d’apporter un secours humanitaire aux assiégé·e·s et de documenter la situation sur place. Mais avant même qu’il n’ait pu atteindre sa destination, le groupe d’observateurs et d’observatrices a été atteint par des coups de feu. Le bilan de cette embuscade est de deux morts et de plusieurs blessé·e·s par balle.
Ce tragique événement illustre la persécution systématique dont sont victimes les militant·e·s et les observateurs et observatrices des droits humains, ainsi que les journalistes indépendant·e·s, au sein de l’Etat. Cette politique de la violence est constante depuis les mobilisations sociales de 2006, qui ont eu lieu contre le gouverneur Ulises Ruiz. Elle est soutenue par le gouvernement fédéral et largement relayée par les médias de masse.
La politique de criminalisation menée par le gouvernement de l’Etat d’Oaxaca touche aussi bien la protestation sociale que la défense des droits humains. On trouve un exemple récent dans la destruction de la communauté autonome de San Juan Copola. Celle-là même que la caravane venait soutenir.
Des mois de blocus
Depuis de nombreuses années, la région des indigènes triqui, située au sud-ouest de l’Etat d’Oaxaca, souffre d’un climat de violence élevée, en raison de disputes pour le contrôle politique, social et économique de la région. C’est donc dans un contexte tendu que la communauté indigène de San Juan Copola a déclaré son indépendance. En 2007, elle s’est séparée du groupe MULT (Mouvement d’unification et de lutte triqui) pour former le groupe MULT–I (Mouvement d’unification de lutte triqui – indépendant) et mettre fin à soixante ans d’existence sans accès à ses droits communaux.
Depuis sa fondation, le groupe indigène autonome a connu de nombreuses attaques des troupes paramilitaires MULT et Ubisort (Union pour le bien être social de la région triqui), indigènes triquis eux aussi. Ces attaques se sont progressivement intensifiées jusqu’au siège de San Juan Copola, il y a un an. La communauté autonome et pacifique a alors connu plusieurs mois de blocus avec pour conséquences un accès limité à l’eau, à la nourriture et à l’électricité. A quoi se sont ajoutés l’assassinat et la « disparition » de plusieurs de ses membres.
La mairie de San Juan Copola a été prise, le 13 septembre dernier, par les paramilitaires d’Ubisort. Ceux-ci ont alors tiré à vue sur les autonomes en menaçant de les massacrer s’ils ne quittaient pas immédiatement les lieux. Même si le massacre a été évité, les survivants·e·s ont été contraint·e·s de fuir San Juan Copola le 23 septembre, certain·e·s dans des fourgons funéraires, seule «aide» envoyée par le gouvernement. Au total, c’est une trentaine de familles qui ont été déplacées et qui se trouvent actuellement dans une situation humanitaire grave.
Durant les mois de siège de San Juan Copola, et jusqu’à l’anéantissement de la communauté, le gouvernement d’Ulises Ruiz n’est pas intervenu. Ou plutôt, il a agi en totale complicité avec les troupes du MULT et d’Ubisort. Ces dernières ont pu agir dans un contexte d’impunité complète. L’Etat de droit n’a donc volontairement pas été maintenu par le gouvernement, qui s’est à de nombreuses reprises prononcé contre les autonomes, les stigmatisant comme un groupe criminel.