Oui…
Posons-nous deux questions:
1) Les migrant·e·s peuvent-ils s’intégrer indépendamment des sociétés d’accueil?
2) Les sociétés d’émigration peuvent-elles intégrer les migrant·e·s malgré eux?
La réponse est deux fois non. Cela peut sembler évident, mais il apparaît que la question du parallélisme des démarches d’intégration des migrant·e·s et des sociétés d’émigration est souvent omise, alors qu’il s’agit bien d’un enjeu pour les deux parties: les nouveaux arrivants doivent apprendre à connaître et comprendre les us et coutumes, les législations et les règles de vie des pays d’accueil, et en contrepartie, les citoyen·ne·s des sociétés d’accueil doivent accepter que les migrant·e·s ne soient pas comme eux et qu’ils soient peut-être attachés à d’autres modes de vie. L’apprentissage de la culture est un processus long qui implique différents niveaux: la culture explicite, telle les habitus alimentaires, est aisément repérable, mais les éléments de culture implicite, comme la ponctualité, sont plus difficilement perceptibles, donc moins commodes à comprendre et à gérer. La Suisse est fondée sur une constitution qui agit comme cadre d’interprétation du vivre ensemble sur son territoire. Elle postule entre autres le respect de la dignité humaine, l’égalité des individus quels que soient leur sexe, leur âge et leur origine, la liberté de conscience et la liberté d’opinion. A mon sens, les migrant·e·s et les citoyen·ne·s des sociétés d’accueil devraient systématiquement se référer au cadre établi par les droits fondamentaux constitutionnels, ceci dans le respect réciproque de leurs différences culturelles et en tenant compte du fait que ma liberté individuelle s’arrête là où débute celle de l’autre.
Mais jusqu'où?
Toute société a besoin de repères. Que ces derniers se présentent sous forme de lois ou de coutumes non écrites, ils forment le cadre dans lequel une personne immigrante est invitée à évoluer à son tour. C’est une question de respect vis-à-vis du pays d’accueil. En Suisse, la dernière grande immigration en date est marquée par le sceau de l’islam, non pas tant par des milliers de personnes venues de pays de culture à majorité musulmane que par certains responsables de communautés islamiques qui revendiquent très ouvertement le droit, sinon le devoir, des musulmans et des musulmanes à se démarquer publiquement du reste non musulman de la société. Encourager un tel comportement porte atteinte à la paix de religion chère aux citoyens suisses. Sous cet angle-là, beaucoup de revendications comme le droit de porter le voile, voire le niqab, en public ou l’instauration de carrés musulmans dans les cimetières prennent une dimension politique qu’il est légitime de traiter comme tout autre thème porté sur la voie publique sans ménagement. Personnellement, je m’oppose au nom des droits de l’homme et de la femme au retour, sur le sol suisse, de contraintes vestimentaires prônées par une mouvance que je qualifie d’islam politique réactionnaire. Cependant, je me situe avec cette opinion au cœur d’un débat que j’espère ouvert et fructueux. Ce débat aboutira sur une formule fixant les droits et les devoirs des accueillis et des accueillants confondus. L’intégration est à ce prix.