En 1994, Donatella Rovera est la première collaboratrice d’Amnesty à se voir interdire l’entrée en Tunisie pour une durée indéterminée. «Ce que j’avais écrit ne leur avait vraisemblablement pas plu», ironise-t-elle aujourd’hui. A l’époque, Donatella Rovera est l’une des huitante chercheurs et chercheuses-pays qui s’activent au Centre international d’Amnesty à Londres. Leur mission : se rendre, chaque année, dans des pays ou régions du monde et mener des enquêtes pour documenter des violations de droits humains. Il n’existe pas d’intervention secrète, Amnesty informe toujours les autorités avant de se rendre dans un pays. Sur place, les chercheurs et chercheuses parlent avec les victimes, mais aussi avec leurs proches, des avocat·e·s, des médecins ainsi que des représentant·e·s du gouvernement et de la société civile, parfois aussi avec les coupables. Par la suite, leurs informations sont publiées dans des rapports ou des communiqués de presse et servent de base pour les campagnes et le lobbying.
Depuis octobre 1990, Donatella Rovera travaille cœur et âme pour Amnesty – elle ne sait même plus exactement le nombre d’enquêtes qu’elle a faites. Habituellement, ces missions durent plusieurs semaines, mais parfois trois voire quatre mois. Spécialiste de la politique et de l’économie du Proche et du Moyen Orient, Donatella Rovera a été responsable des pays du Maghreb dans les années nonante. Dès 2009, son travail se centre sur Israël et les territoires palestiniens occupés. Elle est sur place pendant la deuxième guerre du Liban en 2006 ainsi que durant l’opération «Plomb durci» de l’armée israélienne dans la bande de Gaza en 2009. Elle est maintenant chercheuse dans le domaine des situations de crise dans de nombreux pays.
Un travail de policier
Depuis Londres, elle est en contact permanent avec des militant·e·s des droits humains, des journalistes et des ONG locales par téléphone et par e-mail. Lorsqu’elle part en mission, son but principal est d’obtenir des informations de première main. « Le travail d’enquête à proprement parler n’est pas de rassembler des informations, mais plutôt de vérifier les témoignages. » Seules les informations vérifiées seront ensuite publiées. «Vingt-deux personnes peuvent te donner la même information, pourtant sans aucune valeur, parce qu’elle est erronée.» Dans le fond, Donatella Rovera fait le même travail que les policiers, c’est-à-dire «trouver des preuves et des pièces justificatives et recouper des témoignages». Cela veut parfois aussi dire creuser un trou à la recherche de restes de munitions.
Pour elle, ce qui est important dans son travail, c’est d’être claire avec ses interlocuteurs sur ce que peut faire ou pas Amnesty. Une de ses autres priorités : ne pas mettre de personnes en danger. Elle demande toujours à ses correspondant·e·s si elle peut publier certains noms ou des photos. Et dans certains cas, elle y renonce, alors même qu’elle a reçu le feu vert. «Nous devons toujours réfléchir à long terme», le climat politique changeant souvent très rapidement.
Les succès comme sources de motivation
La chercheuse italienne est confrontée à des événements et des histoires parfois durs à supporter. Pourtant, elle considère son travail aussi comme un privilège. «Mes batteries sont sans cesse rechargées quand je vois comment les victimes, d’abord impuissantes, trouvent la force de prendre leur vie en main et de se défendre.» C’est d’ailleurs aussi un des objectifs des missions, montrer aux victimes de violations de droits humains qu’elle peuvent elles-mêmes améliorer leur situation, par exemple en portant plainte ou en s’unissant pour ne pas se battre uniquement pour elles-mêmes mais aussi pour les autres.
Donatella Rovera a beaucoup de pain sur la planche – sa mission à Benghasi en Libye en cette année 2011 n’en est qu’une preuve de plus. Bien que l’impact de son travail soit réel, elle sait qu’il est trop occasionnel. Mais quand elle apprend l’arrêt d’une expulsion forcée, le début d’une enquête ou encore la condamnation d’un coupable, cela lui redonne de la motivation. Dernièrement,
la fuite du président Ben Ali suite aux manifestations massives en Tunisie l’a enthousiasmée. Au programme : pouvoir enfin visiter ce pays après tant d’années, comme une touriste… ou presque.
Celestine Akpobari de l’ONG Social Action
Celestine Akpobari fait partie des militant·e·s des droits humains qui, sur place, informent et collaborent avec Amnesty International. Avec son ONG Social Action, il lutte quotidiennement pour que les entreprises pétrolières nettoient la pollution qu’elles génèrent et respectent les droits des populations du delta du Niger. Actuellement, il doit faire face aux nouvelles tentatives d’exploration pétrolière sur le territoire de son peuple, les Ogonis, réalisées sans qu’aucune consultation n’ait été faite auprès de la population locale. Celestine Akpobari collabore régulièrement en tant que bénévole pour Amnesty International. Son travail sur le terrain, de lobbying et de soutien aux campagnes pour Amnesty, l’a amené à collaborer avec de nombreuses sections d’Amnesty, surtout européennes. La Section suisse est la première à l’avoir invité – il la considère d’ailleurs comme sa section favorite, celle où il se sent comme chez lui ! Amnesty pourrait-elle en faire plus? Oui ! Selon lui, elle ne s’implique pas suffisamment dans le financement de projets locaux et reste trop centrée sur ses propres campagnes.