Une caravane organisée par Amnesty Burkina Faso et des organisations locales a sillonné pendant un mois en 2010 les routes du pays pour pousser les femmes à revendiquer leur droit à la santé. © AI
Une caravane organisée par Amnesty Burkina Faso et des organisations locales a sillonné pendant un mois en 2010 les routes du pays pour pousser les femmes à revendiquer leur droit à la santé. © AI

MAGAZINE AMNESTY Dignité Caravane d’action pour la santé maternelle au Burkina Faso

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°65, publié par la Section suisse d’Amnesty International, mai 2011.
Lutter pour la santé maternelle, c’est convaincre les femmes que la mortalité maternelle n’est pas une fatalité. Un défi relevé par la Section burkinabè d’Amnesty International, qui témoigne de son travail de longue haleine.

«Au Burkina, quand une femme meurt en couches, on dit que c’est Dieu qui l’a reprise et on n’en parle plus», explique Christian Ouedraogo, coordinateur de la campagne sur la mortalité maternelle au Burkina Faso. La tristesse est ravalée et la famille retourne à sa lutte quotidienne pour la survie. «Mais quand on leur explique que les causes de la mortalité maternelle sont connues et que des solutions existent, hommes et femmes sont stupéfaits», rapporte le coordinateur.

Pendant un mois, en 2010, une caravane organisée par Amnesty Burkina Faso et des organisations partenaires locales a sillonné les routes et sentiers du pays à la rencontre des populations, pour pousser les femmes à revendiquer leur droit à la santé et les autorités locales à prendre leurs obligations au sérieux. Dans chaque village où la caravane passait, du Nord désertique au Sud verdoyant, les femmes se réunissaient en grand nombre. «D’après vous, qu’est-ce qui aurait pu être évité pour sauver la vie de cette femme?», interroge une animatrice. Les langues se délient. Les femmes s’expriment sur la mortalité, sur leurs craintes et sont sensibilisées à leurs droits.

Oser dire non

«Parler du droit est assez difficile pour des populations qui sont à plus de 80% analphabètes», témoigne Christian Ouedraogo. Le premier droit à connaître est celui de dire non. Un défi important dans une société où les femmes sont souvent contraintes de suivre les décisions des hommes. «Nous montrons aux hommes que les décisions qu’ils prennent pour leur femme peuvent se révéler une menace pour leur vie.» Le message passe. Dans la culture burkinabè, la naissance est sacrée et le décès pour cause de grossesse inacceptable.

Au Burkina Faso, plus de deux mille femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. Mariages précoces et mutilations génitales rendent les grossesses difficiles. «Lors des formations, nous démontrons que l’excision, interdite mais largement pratiquée, est une atteinte à l’intégrité corporelle. Les femmes ont le droit de dire non à l’excision», rapporte Christian Ouedraogo. Une femme burkinabè a en moyenne 5,8 enfants. «Nous parlons aux femmes de la loi qui dit que toute personne a droit à la planification familiale.» Pour la majorité des femmes qui vivent en milieu rural, loin des centres de santé, le suivi médical est inaccessible. La pénurie de médicaments et de personnel qualifié rendent les soins précaires. Les prix des traitements sont souvent hors de portée pour des femmes largement touchées par la pauvreté.

Les accouchements sont subventionnés à 80%, mais il n’est pas rare que le personnel médical réclame des paiements informels. Informer les femmes de leurs droits aux subventions fait partie du travail d’Amnesty Burkina Faso. «Les actes illégaux commencent à être punis», se réjouit Christian Ouedraogo qui vient d’apprendre la sanction d’un soignant après son refus d’apporter les soins nécessaires à une femme dans l’incapacité de payer.

Les autorités contraintes d’agir

Grâce à la création de pièces de théâtre et d’un clip musical pour sensibiliser la population, la mortalité maternelle devient un sujet phare au Burkina Faso. Associations et écoles demandent des formations sur le droit à la santé. Une vingtaine de groupes d’Amnesty et nombre d’associations mènent un travail de sensibilisation dans des villages toujours plus éloignés.

«Donner la vie sans risquer de périr, le thème promu par les autorités lors de la Journée mondiale des femmes, le 8 mars 2011, ressemble étrangement au slogan de la campagne d’Amnesty Donner la vie sans risquer la mort», remarque amusé Christian Ouedraogo. Tout un travail de plaidoyer politique a été effectué par Amnesty Burkina Faso, en collaboration avec d’autres sections d’Amnesty. Après le passage de la caravane, les autorités ont été approchées pour qu’elles rendent des comptes au sujet des droits sexuels et reproductifs. Le président Blaise Compaoré s’est engagé à lever tous les obstacles financiers aux soins obstétricaux d’urgence et à l’accès à la planification familiale. Après ces déclarations, de nombreuses sections d’Amnesty International se sont adressées au président et aux ambassades burkinabè dans leur pays, pour que ces engagements soient respectés. Depuis, les autorités discutent de l’éventuelle mise en place de la gratuité des soins liés à la santé maternelle. Le défi restant sa mise en œuvre.