2 septembre 1988. À Londres, le stade de Wembley est en délire : cela fait presque six heures que Bruce Springsteen, Sting, Peter Gabriel, Tracy Chapman et Youssou N’Dour se relaient sur scène pour le concert du siècle. À la fin, les artistes se retrouvent tous ensemble pour entonner « Chimes of Freedom » de Bob Dylan.
Ce concert donne le coup d’envoi de la tournée mondiale «Human Rights Now !» d’Amnesty International. Durant six semaines, les musiciens vont donner 19 concerts dans 14 pays sur quatre continents. Il s’agit de célébrer le 40e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits des l’Homme et d’attirer l’attention sur le travail effectué par Amnesty International aux quatre coins de la planète. Mission accomplie : plus d’un million de personnes assisteront aux concerts, et le nombre de celles qui suivront leurs retransmissions à l’écran atteindra le milliard.
En 1986 déjà, aux Etats-Unis, une tournée baptisée «Conspiracy of Hope» démontrait que la musique fait bon ménage avec les droits humains. Mais avec «Human Right Now!», on est passé à un tout autre ordre de grandeur. Des concerts ont eu lieu dans des pays comme l’Inde, le Zimbabwe, la Côte d’Ivoire, et ont réuni des invités aussi prestigieux que Joan Baez, Ravi Shankar et Pat Metheny.
Amnesty International avait d’ailleurs le souci de délivrer un message politique accessible à toutes et tous. La musique rock occidentale était-elle apte à promouvoir les droits humains à Dehli ou à Abidjan? Les artistes étaient-ils libres de dire ce qu’ils voulaient sur scène dans un pays communiste comme la Hongrie? Ces craintes se sont révélées infondées. Durant la tournée, Amnesty International aura récolté 2.750.000 signatures dans 120 pays. Les deux années suivantes, le nombre de ses sympathisant·e·s a augmenté de plus d’un tiers à l’échelle du monde.
De nombreuses collaborations avec des musiciens célèbres ont eut lieu depuis. La série de concerts traditionnels «The Secret Policeman’s Ball» et la compilation «Make Some Noise» (2007) n’en sont que des exemples. De 2009 à 2011, la tournée 360° du groupe irlandais U2 a connu un grand succès. Des membres d’Amnesty International sont présents lors des concerts, ils sensibilisent le public à la campagne «Les droits humains contre la pauvreté» et l’informent sur le travail de l’organisation. En septembre 2010, à Zurich, U2 a ainsi dédié sa chanson «Walk» à la dissidente birmane Aung San Suu Kyi. Pendant que le groupe jouait, une dizaine de militant·e·s d’Amnesty sont montés sur scène avec des lanternes. Le chanteur Bono a crié à la foule de spectateurs : «Amnesty International – keep up the campaign». Il y a eu cependant aussi des moments difficiles. Juste avant le concert à Moscou – c’était la première fois que U2 se produisait dans la capitale russe – cinq militant·e·s d’Amnesty ont été arrêté·e·s par la police parce qu’ils récoltaient des signatures.
Amnesty ne fait pas que profiter de la notoriété des stars ; elle apporte son soutien aux artistes persécuté·e·s, par exemple Igor Koktisch. Accusé de critiquer le président Loukatchenko, ce chanteur originaire du Belarus a été poursuivi et a finalement dû quitter son pays. Les autorités du Belarus ont fait pression sur l’Ukraine pour qu’elle arrête le musicien. Il a passé deux ans en prison dans la peur d’être livré au Belarus, où il risque la torture et la peine de mort suite une accusation de meurtre montée de toutes pièces.
Amnesty a lancé une action urgente en faveur d’Igor Koktisch. Le 10 décembre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme interdisait son extradition vers le Belarus. Deux mois plus tard, il était libre.