AMNESTY: D’où vous vient votre passion pour la défense des droits humains?
Daniel Bolomey: Pendant les années 70, j’étais engagé dans différents mouvements politiques et sociaux liés aux révoltes étudiantes et ouvrières. J’ai ensuite été aussi le président de la Ligue suisse des droits de l’Homme, à Lausanne. Mais une expérience de vie m’a particulièrement touché: le génocide au Rwanda en 1994 où j’avais des proches directement concernés. Je suis allé en mission au Rwanda une année après le génocide, et ce que j’ai vu, compris et ressenti sur place m’a profondément marqué.
Vous avez mis cet engagement à profit durant vos dix ans à la tête de la Section suisse.Quel rôle peut jouer un secrétaire général dans la lutte pour les droits humains?
S’il est visionnaire et a la volonté de faire bouger les choses, son rôle peut être important. Mais seul, il ne peut rien faire. Pour ma part, j’ai vraiment eu la chance de pouvoir m’entourer d’une bonne équipe et d’avoir de bonnes relations avec le comité. On a ainsi réussi à développer une structure militante et professionnelle qui tende vers l’efficacité – bien qu’on ne soit jamais assez efficace lorsqu’on lutte pour les droits humains.
Quelle est la place de la Section suisse dans le mouvement d’Amnesty au niveau international? Celle de bailleur de dons uniquement?
Non! Elle doit garder une cohérence entre ses différentes missions d’information, de mobilisation, d’activisme et de récolte de fonds. Ce qui me plairait, c’est que la Section continue à apporter son expérience de pays multiculturel et multilingue dans un mouvement qui est multiple, mais malheureusement encore trop peu présent dans le Sud et trop anglophone.
Et au niveau suisse?
J’espère voir la Section capable de peser sur l’évolution de la culture politique ou renverser le grave déficit de culture des droits humains dans ce pays.
C’est-à-dire?
La Suisse officielle s’illustre par beaucoup d’autosuffisance et par un manque de vision et de cohérence. Les droits humains sont un bon produit d’exportation, mais ne sont pas considérés de manière satisfaisante à l’intérieur de nos frontières. Le Conseil fédéral manque à ses devoirs lorsqu’il ne comprend pas, par exemple, qu’une institution nationale des droits humains serait indispensable dans notre pays. Souvent, on confond droits humains et démocratie. La démocratie formelle n’est pas un garant contre les dérives et les discriminations, comme on l’a vu récemment avec les votations sur les minarets ou les renvois des étrangers criminels.