AMNESTY: Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris, en 1977, que le prix Nobel de la paix allait être décerné à Amnesty?
Thomas Hammarberg: Nous étions complètement surpris. Nous n’avions entendu parler de rien, il n’y a pas eu de rumeur ou autre. Nous en étions bien entendu d’autant plus heureux, quand nous l’avons appris. Le prix Nobel de la paix a été très important pour Amnesty. Tout à coup, nous étions reconnus internationalement comme un mouvement digne de confiance. Le total de nos membres a augmenté en flèche dans le monde entier. Les médias aussi se sont davantage intéressés à notre travail. Après la remise du prix Nobel, nous avons eu encore plus de succès en ce qui concerne la pression politique que nous exercions sur des gouvernements. Cela devenait de plus en plus difficile pour eux de nous ignorer.
Vous avez été le Secrétaire général d’Amnesty au niveau international entre 1980 et 1986. Quels étaient les grands enjeux à cette époque?
En Union soviétique, des gens s’étant positionnés contre la dictature étaient emprisonnés. J’étais en contact étroit avec le dissident russe Andreï Sakharov. Il nous a prié de lancer un appel mondial pour la libération de tous les prisonniers pacifiques. Nous avons récolté un million de signatures dans plusieurs pays, que nous avons remises à l’Assemblée générale des Nations unies en 1985. Il y avait aussi de grands problèmes en Irak, où Saddam Hussein était encore au pouvoir. Nous avons visité le pays, récolté des informations et des preuves, bien que ce fût difficile de trouver des personnes qui voulaient parler, par crainte pour leur vie. L’Afrique du Sud était encore sous le régime de l’apartheid, des activistes et prisonniers d’opinion y étaient systématiquement torturés.
Des Etats ont-ils essayé d’entraver le travail d’Amnesty?
Nous savions que des services secrets de différents pays tentaient de nous décrédibiliser et de saboter notre travail. Par exemple, ils persécutaient les personnes qui nous transmettaient des informations directement depuis leur pays. C’était une situation très difficile pour nous, parce que nous ne voulions mettre personne en danger. Pour cela, nous étions toujours à la recherche de moyens de communication sûrs. Les services secrets sud-africains ont même essayé une fois, en vain, de cambrioler notre centrale à Londres pour voler des documents et savoir quelles étaient nos sources en Afrique du Sud. Un des cambrioleurs l’a avoué plus tard.