La vie d’Hafez Ibrahim allait se terminer avant même d’avoir vraiment commencé : condamné à mort, ce jeune Yéménite de dix-sept ans a pu être sauvé in extremis par une Action urgente d’Amnesty International. En l’an 2000, Ibrahim participe à un mariage. Selon la coutume du Yémen, la plupart des invités masculins sont armés. Une bagarre éclate, des coups de feu partent, un homme perd la vie. Ibrahim est inculpé de meurtre, bien qu’il ait toujours affirmé qu’il s’agissait d’un accident. Il est condamné à la peine capitale au terme d’un procès inéquitable. En 2005, le jugement est confirmé en appel. Deux ans plus tard, un collaborateur d’Amnesty International à la centrale de Londres reçoit ce SMS : «Ils sont en train de préparer mon exécution. Hafez.» En prison, Ibrahim a réussi à mettre la main sur un téléphone portable et à envoyer ce message désespéré.
Amnesty appelle aussitôt ses membres et sympathisant·e·s dans le monde entier à écrire des lettres de protestation aux autorités yéménites. L’action porte ses fruits : le président lève la condamnation. Ibrahim sera libéré peu de temps après. Il déclarera plus tard : «Je me sens encore comme dans un rêve. Amnesty m’a sauvé la vie.»
Quarante ans de combat
Amnesty s’oppose à la peine de mort sous toutes ses formes et en toutes circonstances, car elle porte atteinte à la dignité humaine. Elle viole le droit à la vie et le droit à ne pas subir de traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’organisation reconnaît aux Etats le droit et le devoir de juger les personnes qui commettent des délits. Le meurtre d’Etat ne saurait cependant apporter une réponse adéquate à un crime quel qu’il soit. Outre qu’elle est contraire aux droits humains, cette sanction est absolument irréversible. Le risque est constant de tuer des innocent·e·s. Depuis la réintroduction de la peine capitale aux Etats-Unis en 1976, plus de 138 personnes ont été reconnues non coupables et ont pu quitter les couloirs de la mort.
Réuni à Vienne en septembre 1973, le Conseil international d’Amnesty a décidé que l’organisation s’opposerait désormais activement à toute exécution capitale et militerait pour l’abolition de la peine de mort dans tous les pays du monde. Jusque-là, Amnesty n’avait protesté que contre l’exécution des prisonniers politiques n’ayant pas eu recours à la violence.
Au mois de décembre 1977, Amnesty organisait une conférence pour l’abolition de la peine de mort à Stockholm. Dans la Déclaration de Stockholm, les participant·e·s proclamaient leur opposition inconditionnelle à la peine de mort et condamnaient toute forme d’exécution capitale – qu’elle ait lieu sur ordre d’un Etat ou avec son consentement plus ou moins tacite. Ils s’engageaient à lutter pour que tous les Etats abolissent immédiatement et absolument la peine de mort.
A la fin des années 1970, les Nations unies se bornaient à considérer l’abolition de la peine de mort comme un objectif «souhaitable». Trente ans après, leur attitude est devenue beaucoup plus déterminée. Lorsque l’Assemblée générale de l’ONU a appelé, le 21 décembre 2010, à suspendre toute exécution capitale dans le monde entier, le résultat était on ne peut plus clair : cent neuf voix en faveur de la proposition, quarante et une contre et trente-cinq abstentions. Le nombre d’Etats ayant totalement renoncé à la peine de mort s’élève aujourd’hui à nonante-six.
Cette peine n’est plus appliquée en Europe et en Asie centrale, à l’exception du Bélarus. Elle a pour ainsi dire disparu d’Amérique latine et d’Océanie. Si cinquante-huit Etats prononcent encore occasionnellement des condamnations à mort, seule une minorité d’entre eux la pratiquent régulièrement. Il ne faut cependant pas oublier que ces pays abritent une grande partie de la population mondiale.
Certains résisteront sans doute encore longtemps à la tendance abolitionniste
– parmi eux la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis et le Pakistan. A la fin de l’année 2010, au moins 17 833 personnes étaient sous le coup d’une sentence capitale. Les militant·e·s d’Amnesty ont encore bien du travail avant d’atteindre leur but : un monde sans peine de mort. Ils peuvent compter sur le soutien d’Hafez Ibrahim.