Surpeuplement, insalubrité, sous-alimentation, torture. les défis auxquels les militant•e•s des droits humains sont confronté•e•s, parfois au péril de leur vie, sont nombreux. Parler de la condition des personnes incarcérées au Burundi revient à passer en revue onze prisons situées dans dix provinces, plus de cent cachots communaux, ainsi que des lieux de détention dont seule la police détient le secret. les détenu•e•s s’entassent dans des cellules surpeuplées. la prison centrale de Mpimba à Bujumbura, la plus grande de toutes les prisons que compte le Burundi, accueille ces dernières années un effectif trois fois plus élevé que celui prévu initialement. Selon les organisations locales, il y aurait trois mille personnes détenues pour une capacité d’accueil maximale de huit cents places. les prévenu•e•s et condamné•e•s sont logé•e•s à la même enseigne.
Telles sont les lourdes conditions dans lesquelles travaillent les militant•e•s des droits humains au Burundi. de passage en Suisse dernièrement, deux d’entre eux, Pacifique nininahazwe et Pierre-Claver Mbonimpa, ont témoigné de leurs actions menées pour venir en aide à leurs concitoyen•ne•s.
Pacifique Nininahazwe, du Forum pour le renforcement de la société civile (FOrSC), craint particulièrement l’incarcération des bébés et des enfants en bas âge. Ceux-ci doivent parfois rester avec leurs mères en prison et vivent dans les mêmes conditions d’incarcération. Il ajoute que le milieu carcéral devient lui-même criminogène. «Souvent, des personnes quittent la prison pour commettre d’autres crimes en réaction à une société qui les avait complètement abandonnées», constate avec amertume notre interlocuteur.
Privé•e•s de visites de leurs familles
Actuellement, sept provinces ne disposent d’aucun établissement pénitentiaire. les personnes originaires de ces provinces sont logées loin de leurs proches. elles reçoivent donc rarement des visites et ne bénéficient pas de la nourriture de qualité et des vêtements que les familles apportent aux personnes incarcérées dans leurs provinces d’origine. Cette séparation familiale a de lourdes conséquences morales et matérielles, particulièrement pour les enfants emprisonnés loin de chez eux. Sur un total de 8336 détenu•e•s dans tout le pays, quatre cents étaient des personnes mineures âgées de treize à dix-huit ans en 2006. le pays ne connaît pas de prisons séparées pour les enfants.
Quant à Pierre-Claver Mbonimpa, il a lui-même vécu l’incarcération. les larmes aux yeux, il rappelle ses propres conditions de détention qui l’ont conduit à créer l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APrOdh). «J’ai connu la prison burundaise à partir du 13 décembre 1994. le mobile de mon emprisonnement était politique. J’ai été arrêté pour une prétendue détention illégale d’armes à feu lors de la crise qui a secoué le pays après l’assassinat de Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu en 1993. J’ai été privé de liberté à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura jusqu’au 13 décembre 1996», se souvient-il. Pendant cette période, il assiste à des conditions indescriptibles de détention auxquelles les détenu•e•s sont soumis•e•s : tortures et autres traitements dégradants, cellules insalubres, promiscuité.
A sa sortie de prison, l’ancien inspecteur du commerce extérieur ne cherche pas à regagner son poste de travail. Son expérience carcérale lui a appris que les détenu•e•s n’ont ni race, ni couleur, ni ethnie. Il se met alors à renforcer l’Association pour la défense des droits des prisonniers (AbdP) qu’il a mise en place en collaboration avec deux codétenus et qui devient dès 2003 l’actuelle APrOdh. Si l’association change de nom, c’est que Pierre-Claver Mbonimpa souhaite défendre également les personnes dont les droits humains sont bafoués en dehors des prisons. «Je voulais porter secours aux victimes de violences sexuelles et fournir une assistance juridique au nombre important de burundais•es accusé•e•s injustement de divers délits », souligne celui qui ne craint plus aucune menace.
Fusillé pour avoir défoncé une porte
Dans chaque poste de police se trouvent des cachots policiers où les détenu•e•s ne bénéficient d’aucune protection. l’APrOdh rapporte qu’un assassinat a été dernièrement perpétré dans des conditions obscures après une arrestation. Joël Ndereyimana a été fusillé dans la rizière de Gihanga, dans l’Ouest du Burundi, le mercredi 22 juin 2011. Selon les informations recueillies par l’association, il avait été auparavant appréhendé par la population, qui l’avait surpris en train de défoncer la porte d’une maison d’un habitant de la localité. Il avait été conduit au poste de police et le chef de poste l’avait remis au commissaire provincial de Bubanza. A vingt et une heures, les veilleurs ont vu passer une camionnette accompagnée de deux motos. Quelques instants plus tard, ils ont entendu deux coups de feu. Joël Ndereyimana venait d’être abattu. les autorités administratives ont cherché à l’enterrer immédiatement, mais l’APrOdh a réussi à obtenir l’accord de l’administrateur communal pour conduire le corps de la victime dans une chambre froide de l’hôpital de Mpanda, afin de permettre une autopsie et une enquête.
Militants menacés de mort
Les deux défenseurs de la cause des prisonniers ne sont eux-mêmes pas à l’abri d’une détention arbitraire, et des menaces de mort pèsent sur eux et leurs familles. Depuis novembre 2009, Pacifique Nininahazwe reçoit régulièrement des avertissements concernant un présumé complot d’assassinat contre sa personne. Il reçoit des appels téléphoniques anonymes le menaçant de mort et se dit désormais placé sous surveillance.