Les femmes ne sont plus de simples suiveuses de conjoints mais bien actrices de leur propre migration. © AI / Ricardo Ramírez Arriola
Les femmes ne sont plus de simples suiveuses de conjoints mais bien actrices de leur propre migration. © AI / Ricardo Ramírez Arriola

MAGAZINE AMNESTY Migrantes: De l'ombre à la lumière

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°67, publié par la Section suisse d’Amnesty International, mars 2012.
Une personne migrante sur deux est une femme. Mais, invisibles, les femmes migrantes ont longtemps marché à l’ombre. Peu à peu, pourtant, elles apparaissent en pleine lumière, car elles ne sont plus seulement épouses, mères ou filles de migrants, mais artisanes de leur propre vie.

Pourquoi des millions de femmes quittent-elles un pays, une culture, une famille?

La plupart, pour les mêmes raisons que les hommes: la pauvreté – elles sont souvent pauvres parmi les pauvres –, un horizon sans espoir d’amélioration, l’impossi- bilité d’assurer un avenir à leurs enfants et, bien sûr, les conflits, discriminations, persécutions. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’impor- tance de la migration féminine varie selon les régions, mais les flux migratoires d’Asie du Sud-est, d’europe centrale et d’Amérique latine à destination des Etats-Unis, de l’Europe et du Moyen-Orient sont à prédominance féminine.

Les femmes ont toujours migré. Mais l’image de l’épouse qui suit ou rejoint son mari, dans le cadre du regroupement familial par exemple, doit être corrigée. «Seules ou cheffes de familles monoparentales, elles migrent désormais pour prendre leur destin en mains.

Aujourd’hui, elles s’autonomisent et deviennent actrices de leur propre vie et de la société», affirme William Lacy Swing, directeur de l’OiM. Le stéréotype de la femme « suiveuse » n’est donc plus approprié, tant les exemples contraires se multiplient. Derrière ces monstres froids que sont les chiffres, il y a des per- sonnes debout qui résistent au modèle qui leur est proposé, luttent au jour le jour, travaillent, se prennent en charge, s’engagent dans des actions collectives, vivent et meurent dans les combats dont elles sont partie prenante.
Routes de tous les dangers Bien sûr, même volontaire, la migration reste une déchirure et un traumatisme. elle n’est bien souvent pas un libre choix, puisque, sur la carte du monde, elle suit la ligne de situations de misère ou de violences qui dépassent les individus. De plus, les dan- gers que courent les migrantes sont bien plus graves que ceux auxquels sont exposés leurs homologues masculins.
Sur les routes migratoires, tout d’abord. Souvent irrégulière, la migration expose les femmes à un risque élevé de mauvais trai- tements et de violence physique et sexuelle, de la part des passeurs, des forces de police et des migrants eux-mêmes. Proies des réseaux de traite des êtres humains, bien des femmes vivent un véritable calvaire. « Parfois elles n’arrivent tout simplement pas à destination », rapporte le directeur de l’OiM. Dans le monde, deux millions et demi de personnes sont dans une situation d’exploitation liée à la traite. Les deux tiers sont des femmes.

Aujourd’hui, elles s’autonomisent et deviennent actrices de leur propre vie et de la société», affirme William Lacy Swing, directeur de l’OIM. Le stéréotype de la femme «suiveuse» n’est donc plus approprié, tant les exemples contraires se multiplient. Derrière ces monstres froids que sont les chiffres, il y a des personnes debout qui résistent au modèle qui leur est proposé, luttent au jour le jour, travaillent, se prennent en charge, s’engagent dans des actions collectives, vivent et meurent dans les combats dont elles sont partie prenante.

Routes de tous les dangers

Bien sûr, même volontaire, la migration reste une déchirure et un traumatisme. elle n’est bien souvent pas un libre choix, puisque, sur la carte du monde, elle suit la ligne de situations de misère ou de violences qui dépassent les individus. De plus, les dangers que courent les migrantes sont bien plus graves que ceux auxquels sont exposés leurs homologues masculins.

Sur les routes migratoires, tout d’abord. Souvent irrégulière, la migration expose les femmes à un risque élevé de mauvais traitements et de violence physique et sexuelle, de la part des passeurs, des forces de police et des migrants eux-mêmes. Proies des réseaux de traite des êtres humains, bien des femmes vivent un véritable calvaire. «Parfois elles n’arrivent tout simplement pas à destination», rapporte le directeur de l’OIM. Dans le monde, deux millions et demi de personnes sont dans une situation d’exploitation liée à la traite. Les deux tiers sont des femmes.

L’autre risque de taille qui les condamne à une «double peine», en tant que femmes et en tant que migrantes, est celui qu’elles courent dans le pays d’accueil: préjugés et discriminations entraînent souvent une «déqualification» professionnelle et entravent durablement leur développement. Alors que bon nombre d’entre elles sont des travailleuses qualifiées, des entrepreneuses, des étudiantes, des scientifiques, des artistes ou des intellectuelles, leurs compétences ne sont pas reconnues. Elles se retrouvent reléguées dans des travaux sous-qualifiés: entretien, services hôteliers, hospitaliers ou petite industrie.

C’est la porte ouverte à l’exploitation éhontée, aux salaires de misère, au manque de protection sociale ou juri- dique, à l’accès déficient à la santé. un sort qui entraîne des conséquences psychosociales, individuelles et familiales: sentiment de dévalorisation et d’échec, assorti de renoncement et de dépression.

Actrices du développement

C’est peu dire que l’apport de ces femmes n’est pas assez reconnu. D’une part, d’un point de vue économique et de développement pour leur société d’origine. Les données de la Banque mondiale révèlent que les transferts de fonds des migrant·e·s vers leurs familles représentaient 440 milliards de dollars en 2010, et que la contri- bution des femmes est souvent plus importante et plus régulière que celle des hommes. Et le directeur général de l’OIM de rappeler leur rôle considérable dans la santé et l’éducation des familles restées dans la contrée d’origine. «Les idées, les attitudes, les compétences, les échanges sociaux que ces femmes maintiennent avec leur communauté d’origine stimulent le développement du pays», souligne-t-il aussi. Sous l’impulsion de ces femmes, on assiste à une redistribu- tion des rôles, une évolution des rapports sociaux et une réduction des inégalités entre femmes et hommes. Les esprits s’ouvrent, les stéréotypes craquent sous toutes les coutures, les perceptions des uns et des autres se modifient.

Les migrantes sont d’un grand apport également pour les sociétés d’accueil. William Lacy Swing relève «l’atout majeur qu’elles représentent là aussi, tant sur le plan économique que social. elles sont souvent employées dans des secteurs qui correspondent à des besoins de nos sociétés, tels que les soins. Quant à la cohésion sociale, elles y contribuent fortement, puisqu’elles sont souvent investies de la responsabilité de faciliter l’intégration des membres de la famille.» A cela s’ajoute leur engagement dans le tissu associatif et la création de réseaux d’entraide et de formation.

La fin de l’invisibilité c’est une question de temps. un jour, les femmes migrantes ne seront plus «objet» d’étude, mais actrices. en se réappropriant la parole, notamment dans le débat sur la migration, et en refusant l’enfermement dans l’image de victime démunie ou, selon les expressions consacrées, dans le piège de «gardienne de la tradition» ou celui de «garante de l’intégration». Mais pour que cela ne reste pas un vœu pieux, «les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour que les femmes aient accès à des canaux migratoires légaux et sûrs. Ce n’est qu’à cette condition que leurs droits fondamentaux seront garantis à toutes les étapes du processus migratoire, martèle William Lacy Swing. Ils doivent renforcer des lois existantes, mais inefficaces, et assouplir les conditions de demande d’asile.» Avec des visas à entrées multiples, les femmes pourraient rentrer chez elles pour voir leurs enfants et revenir travailler. Et au directeur de l’OIM de prédire: «L’avenir, c’est inévitable, est à l’identité multiple. Ce sera la règle plus que l’exception, et les êtres humains du XXie siècle se retrouveront autour de valeurs communes plus que d’identités nationales ou ethniques.»