Adrienne Barman: «Mon outil, c’est le dessin; je ne pourrais jamais faire de l’humanitaire. Chacun son métier.» © Jean-Marie Banderet
Adrienne Barman: «Mon outil, c’est le dessin; je ne pourrais jamais faire de l’humanitaire. Chacun son métier.» © Jean-Marie Banderet

MAGAZINE AMNESTY BD Le respect par l’illustration

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°75, publié par la Section suisse d’Amnesty International, décembre 2013.
Dans nos sociétés de plus en plus tournées vers le visuel, les images ont une force. Certain·e·s y recourent pour manipuler, d’autres pour inculquer des valeurs humaines fondamentales. Adrienne Barman appartient à cette deuxième catégorie des magicien·ne·s de l’image. Elle met sa maîtrise du dessin au profit de causes qui lui sont chères et qui résonnent avec celles d’Amnesty International. Ses dessins ont d’ailleurs parus de nombreuses fois dans notre magazine. Propos recueillis par Anaïd Lindemann

> Amnesty: Adaptez-vous votre dessin, selon que vous vous adressez à des adultes ou à des enfants?

< Adrienne Barman: Mes dessins peuvent être interprétés de mille manières différentes. Les enfants y perçoivent certaines choses et les adultes en auront une autre lecture. Mais quand je m'adresse à des enfants, je recours à un langage plus simple; pas dans le rendu, mais dans le message que je veux transmettre. Il est plus direct.

> Quelle est l’importance de la littérature enfantine?

< Les enfants doivent apprendre des choses, mais ils doivent aussi développer leur imagination. Dans l’illustration, on arrive à lier ces deux niveaux. Elle permet d’enrichir l’éducation par l’imagination, ce qui se perd dans d’autres supports tels que les jeux vidéo par exemple.

www.adrienne.ch © Adrienne Barman

> Comment respecter cette démarche?

< Je préfère créer des livres dans lesquels il est possible de transmettre quelque chose. Par exemple, dans le dernier1, j’ai recréé des familles d’animaux: les bruyants, les bleus, etc. Je voulais détruire la classification habituelle qu'on fait dans le monde animal. C'est un peu comme nous: on applique des différences – les Roms, les homosexuels, les musulmans – mais finalement on est tous des êtres humains. C'était pour montrer qu’il est possible de ne pas toujours catégoriser d'une certaine manière.

> A quoi prêtez-vous spécialement attention quand vous dessinez?

< Je fais attention à ce qu’il y ait autant de garçons que de filles. Je trouve que c’est important que ce soit équilibré, même si cela dépend des clients ou des livres. Pareil pour les autres cultures: j’essaie toujours d’en intégrer plusieurs.

> Vous arrive-t-il de refuser un client parce qu’il ne correspond pas à vos valeurs?

< Pour l’instant, je n’ai jamais eu à le faire. A mon avis, mes clients potentiels savent ce que je fais et avec qui je travaille habituellement. Mais si la situation se présentait, je refuserais. C’est important de choisir ses clients, quand on peut se le permettre, et d’avoir une éthique.

> Parmi les droits humains, lesquels vous tiennent le plus à cœur?

< Le respect vis-à-vis de l’autre. Dans tous les sens. Je trouve aberrant qu’on ne respecte pas l’autre et qu’on le juge, car on n’est pas à sa place. Pour moi, c’est une des bases fondamentales de l’existence. Je pense que les gens jugent parce qu’ils ont peur. La peur fait beaucoup de tort.

> Pourquoi avoir travaillé pour Amnesty?

< J’ai publié des dessins dans plusieurs numéros du magazine. C’était un exercice très difficile pour moi car les thèmes à traiter étaient compliqués. Créer quelque chose qui puisse être humoristique avec des thèmes comme le terrorisme ou la violence domestique, ce n’est pas évident, mais ça me tient à cœur d’en parler. Mon outil de communication est le dessin; je ne pourrais jamais faire de l’humanitaire. Chacun son métier. Nous nous complétons.

1 Drôle d’Encyclopédie, Genève, La Joie de lire, 216 p., dès 5 ans