MAGAZINE AMNESTY Portrait Des réfugié·e·s très vulnérables

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°76, publié par la Section suisse d’Amnesty International, mars 2014.
Pascale Navarra s’occupe des requérant·e·s d’asile qui ont fui leur pays en raison de leur orientation sexuelle. Bénévole chez Queer Amnesty, elle lie admirablement le domaine de l’asile et celui de l’identité sexuelle. Elle porte un regard optimiste sur son travail au sein de Queer Amnesty à Zurich, un groupe de l’organisation spécialisé dans la défense des droits des LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres et intersexué·e·s).

pascale-navarra.jpg «Pour moi, c'est une victoire lorsque je note qu'une personne a gagné en confiance.» © Pascale Navarra

Habitante de Zurich, cette Bâloise âgée de quarante-six ans a troqué sa casquette d’interprète pour celle de pédagogue sociale il y a dix-sept ans. Les migrant·e·s ont depuis toujours fait partie de sa clientèle. Un groupe lui a rapidement semblé très vulnérable: les LGBTI, contraint·e·s de fuir leur pays d’origine à cause de leur orientation sexuelle. Lorsqu’elles demandent l’asile en Suisse, les personnes de cette catégorie font face à d’importantes difficultés.

Pascale Navarra déplore l’absence totale d’institutions officielles en charge des requérant·e·s LGBTI, victimes d’un extrême isolement. «Non seulement ces personnes ne connaissent ni notre culture ni notre langue, mais en plus elles craignent d’être rejetées parce qu’elles ne sont pas hétérosexuelles», observe-t-elle, le ton grave.

Pourtant, peu de professionnel·le·s se spécialisent dans cette combinaison «asile et orientation sexuelle». Pascale s’est engagée auprès du groupe de travail Fokus Refugees à Queer Amnesty il y a un peu plus de cinq ans. Ce groupe, unique en son genre, offre un accompagnement individuel aux réfugié·e·s et requérant·e·s d’asile LGBTI. Fokus Refugees fournit aussi de la littérature spécialisée et des informations aux professionnel·le·s, organise des formations et prévoit des programmes de sensibilisation. Aux côtés d’une autre collègue, Pascale Navarra encadre les dix-huit bénévoles qui accompagnent les requérant·e·s d’asile chez Fokus Refugees.

«Il est parfois émotionnellement difficile d’être confronté à des parcours de vie déchirants et de réaliser que des personnes fuient leur pays simplement parce qu’elles ne peuvent aimer qui elles désirent», relève Pascale. La frontière entre l’émotionnel et le professionnel est souvent floue. «Mais, en tant que pédagogue sociale, je dispose des outils nécessaires pour faire face à ces situations difficiles», affirme la Bâloise.

Pascale Navarra relève aussi le plaisir que lui procure son activité, parsemée de petits succès. La charge de travail en vaut la chandelle. «Pour moi, c’est une victoire lorsque je note qu’une personne a gagné en confiance et augmenté ses ressources personnelles», affirme-t-elle. Le soutien des accompagnant·e·s y est pour beaucoup.

Les bénévoles sont d’ailleurs pour elle une autre source de satisfaction. Très impliqué·e·s, ces personnes fournissent un travail souvent plus efficace que des professionnel·le·s. Optimiste, Pascale tient aussi à signaler des progrès. L’orientation sexuelle est désormais reconnue comme motif d’asile par l’ONU, et l’Office fédéral des migrations (ODM) est sensibilisé à la question. «C’est en partie grâce au travail d’Amnesty International et de Queer Amnesty!»

Anaïd Lindemann