Après la réélection pour un quatrième mandat consécutif du président Abdelaziz Bouteflika, il est vital que l’opposition puisse s’organiser librement. © AFP PHOTO / FAROUK BATICHE
Après la réélection pour un quatrième mandat consécutif du président Abdelaziz Bouteflika, il est vital que l’opposition puisse s’organiser librement. © AFP PHOTO / FAROUK BATICHE

MAGAZINE AMNESTY Actuel Algérie: une opposition à créer

Article paru dans le magazine AMNESTY, n°77, publié par la Section suisse d’Amnesty International, mai 2014.
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a été réélu pour un quatrième mandat avec quatre-vingt-un pour cent des voix, contre douze pour cent pour son principal rival, l’ancien premier ministre Ali Benflis. Agé de septante sept ans, affaibli, Bouteflika a envoyé ses émissaires pour mener campagne à sa place et vanter la stabilité de son système tout en brandissant la menace de chaos en cas de non-élection. Face au système Bouteflika qui perdure de manière grotesque, l’un des enjeux centraux pour le pays est de créer une opposition crédible. par Nadia Boehlen

Pour fonctionner, cette opposition doit surmonter ses divisions en plusieurs tendances – islamistes, nationalistes, démocrates – et en de nombreuses formations. Pour cela, ces différents courants doivent pouvoir s’organiser et déployer leurs activités dans un climat qui le leur permet.

L’état d’urgence a été levé en Algérie en 2011, mais la liberté d’expression, d’association et de réunion reste soumise à de sévères restrictions. Les autorités réélues cherchent en particulier à contrôler tout discours critique envers elles ainsi que les revendications et protestations à caractère économique.

Le pouvoir en place s’en prend notamment aux journalistes qui s’écartent du discours officiel en faveur de Bouteflika. Peu avant les élections présidentielles, les forces de sécurité ont effectué une descente à Al-Atlas TV, une chaîne de télévision privée qui avait critiqué les autorités dans ses émissions. Elle a été forcée de suspendre ses activités et interdite d’antenne. Seuls les médias publics bénéficient d’une licence de diffusion sans restriction. Les chaînes privées ne reçoivent que des licences temporaires susceptibles d’être révoquées sans réel préavis.

Une loi de 2012 relative aux associations impose des restrictions paralysantes à la société civile algérienne. Elle accorde au gouvernement le pouvoir de refuser l’enregistrement des associations qui menaceraient les «valeurs nationales», l’ordre public, la «moralité» et la loi algérienne, et de dissoudre les groupes qui porteraient atteinte à la «souveraineté nationale». Elle durcit la réglementation relative aux financements étrangers, sous couvert de protection des valeurs ou mœurs nationales. Un certain nombre d’associations ayant critiqué la politique du gouvernement, notamment celles qui dénoncent la corruption ou qui réclament vérité et justice au sujet des disparitions forcées survenues pendant la guerre civile, n’ont pour l’instant pas été en mesure de s’enregistrer.

Bien que l’Algérie soit un pays producteur de pétrole, une partie importante de la population est réduite à la pauvreté, et connaît un taux de chômage élevé même dans des régions riches en pétrole et en gaz, et une crise du logement récurrente.

Plutôt que de répondre aux revendications et aux troubles socioéconomiques, les autorités algériennes recourent fréquemment au harcèlement des personnes qui participent activement aux manifestations et aux grèves, ainsi que des syndicalistes.

Il faut espérer que, dans les prochains mois, le gouvernement ne prétexte pas le radicalisme islamiste et la violence terroriste pour réduire encore la marge de manœuvre de l’opposition et museler les mouvements sociaux.