par Patrick Walder*
Comment expliquer autrement, si ce n’est par la lunette de la mentalité de ces premiers colons, que la peine de mort s’applique toujours aux Etats-Unis et que le pays compte parmi les cinq pays avec le plus haut taux d’exécutions. Cette Amérique qui se présente volontiers comme un modèle de démocratie et de défense des droits humains se retrouve dans ce club de bourreaux, à côté de pays comme la Chine, l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Irak –tous des régimes autoritaires ou fondamentalistes ou des pays en conflit et en crise.
Les incidents récurrents lors desquels des policiers font promptement usage de leur arme témoignent de la facilité du recours à la violence et d’un racisme profond. Les Noirs sont plus souvent emprisonnés, sont plus souvent abattus par la police et les garde-frontières et plus souvent condamnés à mort. Un demi-siècle après les mouvements en faveur des droits civiques pour les Noirs, les Etats-Unis sont toujours hantés par la violence et la discrimination.
Mais des changements se profilent. Les manifestations massives contre la violence policière témoignent d’une nouvelle réflexion sur la société. La peine de mort est repensée. Une tendance vers l’abolition de ce châtiment cruel se dessine peu à peu. En effet, tant le nombre d’exécutions que le nombre de condamnations à mort ont considérablement diminué au cours des quinze dernières années. Le nombre d’Etats qui pratiquent encore la peine capitale se réduit; depuis 2007, six nouveaux Etats l’ont abolie. Enfin, les Américains qui se déclarent contre la peine de mort n’ont jamais été aussi nombreux depuis 1972. Une majorité d’entre eux demeure toutefois en faveur de la peine capitale.
Il est par contre décevant que la première présidence d’un Afro-Américain n’ait pas conduit à un véritable changement de politique. Alors que d’autres hommes et femmes politiques font entendre leur voix à contre-courant –comme les gouverneurs de l’Oregon et du Colorado qui ont instauré un moratoire dans leurs Etats respectifs–, Barack Obama ne s’est jamais clairement prononcé contre la peine de mort. Il faut de telles voix pour que les Etats-Unis abandonnent enfin la politique de l’arme et de la Bible. Et elles doivent venir de l’intérieur du pays.
Un autre grand héritage politique parle en faveur de l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis. Avant même la Révolution française, c’est bien la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 qui a rendu inaliénables les droits à la vie et à la liberté.
* Patrick Walder, responsable de campagne à Amnesty International.