Les militant·e·s qui se battent pour les droits des personnes LGBTI ont gagné en en visibilité ces dernières années. | © AI
Les militant·e·s qui se battent pour les droits des personnes LGBTI ont gagné en en visibilité ces dernières années. | © AI

MAGAZINE AMNESTY LGBTI Intégration et rejet

Par Stella Jegher. Article paru dans le magazine AMNESTY, n°82, publié par la Section suisse d’Amnesty International, août 2015.
Parce qu’elles participent à la dignité et à l’essence de chaque être humain, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne devraient jamais être des motifs de discrimination, de violence ou de maltraitance. Dans de nombreux pays, la réalité est malheureusement différente.

Des personnes que l’on n’arrive pas d’emblée à identifier comme hommes ou femmes ; des femmes  qui ont des rapports sexuels avec des femmes ; des hommes qui aiment les hommes : cela existe depuis l’aube de l’humanité. On en trouve des échos dans l’art et la littérature de toutes les époques et de toutes les cultures. Toutefois, la position et les droits qui leur ont été attribués par les différents groupes sociaux, les religions ou les Etats ont grandement varié au cours de l’histoire. Aujourd’hui encore, de par les continents, les cultures, les sociétés, ces attitudes  vont de l’intégration la plus évidente à la condamnation à mort. «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits» énonce la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et : «Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune». Malheureusement, en de nombreux endroits du monde, l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des motifs de discrimination et de maltraitance.

Crimes haineux   

Le 24 avril 2011, Noxolo Nogwaza, militante  lesbienne  de 24 ans, était assassinée  à KwaThema, un township à l’ouest de Johannesburg, en Afrique du Sud. A ce jour, le meurtre n’a toujours pas été élucidé. En août 2013, en Russie, un adolescent homosexuel est mort après avoir été enlevé et gravement torturé par un groupe néofasciste. Les images de ces sévices ont été postées sur internet. Le 18 février 2014, à Rio de Janeiro, une fillette transgenre a été battue à mort par son père. Il voulait lui apprendre «à se conduire comme un homme». Des centaines de personnes sont assassinées chaque année, des milliers sont maltraitées de la façon la plus brutale, parce qu’elles sont amoureuses de quelqu’un du même sexe, ou transgenres, parce qu’elles ne s’habillent pas selon les normes de genre ou s’engagent publiquement pour les droits des personnes gays, lesbiennes, bisexuel·le·s, trans- genres et intersexué·e·s (LGBTI). Entre janvier 2013 et mars 2014, la commission interaméricaine pour les droits humains a recensé  près de cinq cents meurtres de personnes LGBTI dans ses vingt-cinq Etats membres. Durant les sept dernières années, le Trans Murder Monitoring Project, qui documente les crimes haineux perpétrés sur des personnes transgenres, a comptabilisé mille sept cents meurtres dans plus de soixante pays – trois meurtres par semaine. Les auteur·e·s restent généralement impuni·e·s car les victimes n’osent pas faire appel à la justice de peur d’être à nouveau discriminées et humiliées.

Discriminations  légitimées par l’Etat

Les relations sexuelles entre personnes du même sexe et les comportements non conformes aux normes de genre sont toujours punissables dans septante-six pays, en violation du droit international. Sept Etats punissent même ces comportements par la peine de mort. Si, au Sud, les lois homophobes ont été partiellement héritées du colonialisme, les politicien·ne·s n’ont de cesse d’invoquer des traditions culturelles pour les justifier, diabolisant l’homosexualité comme un produit d’importation et un crime contre la nature.

Chaque année, des milliers de personnes LGBTI sont arrêtées par la police et les forces de sécurité, brutalisées et jetées sans motif en prison, où elles subissent des sévices sexuels. Dans plusieurs pays, leurs droits à la liberté d’expression et d’association sont drastiquement limités. En 2013, la Russie a instauré une «interdiction de la propagande homosexuelle auprès des mineurs» : parler ouvertement des gays et des lesbiennes devant des jeunes est désormais considéré comme un délit. L’Ouganda débat depuis plusieurs années  d’une loi qui condamne les actes homosexuels à des peines pouvant aller jusqu’à la prison à vie et criminalise les personnes qui ne dénonceraient pas les gays et lesbiennes de leur connaissance. De telles lois ont un impact à la fois direct et indirect sur la qualité de vie des personnes concernées. On observe entre autres une tendance à renoncer aux soins médicaux et aux prestations sociales, ainsi qu’un taux de suicides particulièrement élevé chez les jeunes homosexuel·le·s.

Quel droit d’asile ?  

Certaines  personnes LGBTI ne voient pas d’autre issue que la fuite. Mais seuls quarante-deux Etats reconnaissent les persécutions basées sur l’orientation sexuelle comme motif d’asile, trop  souvent au prix d’interrogatoires ou d’examens médicaux humiliants. Les requérant·e·s d’asile LGBTI se voient fréquemment signifier qu’ils n’avaient qu’à se comporter discrètement pour ne pas être victimes de violations de leurs droits humains. Dans deux jugements de 2013 et 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a pourtant clairement interdit  ces pratiques dégradantes et intrusives.

Et à  l’avenir ? Pour  la communauté  LGBTI du monde entier, le 17 juin 2011 est un jour à marquer d’une pierre blanche : pour  la première fois de son histoire, le Conseil des droits de l’homme a adopté une résolution au sujet des violations des droits humains basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre – cela malgré  l’opposition de la plupart des Etats africains  et arabes. En avril 2015, le Haut Commissaire aux droits de l’homme  a présenté un rapport sur les évolutions constatées depuis lors. Il a annoncé plusieurs changements positifs : quatorze Etats ont renforcé leurs lois contre la discrimination et les crimes  haineux durant les quatre dernières  années. Deux d’entre eux, l’Australie et Malte, ont inscrit la protection des personnes intersexuées dans leur législation. Douze Etats ont instauré le mariage ou une forme de partenariat similaire pour les couples de même sexe. Dix ont facilité la reconnaissance de  l’identité de genre des  personnes transgenres. Dans plusieurs dizaines de pays, un  travail de sensibilisation à la thématique LGBTI a été effectué auprès des juges, policières et policiers, travailleuses et travailleurs sociaux, médecins et enseignant·e·s. Mais avant tout, ce sont les militant·e·s qui se battent pour les droits des personnes LGBTI qui ont gagné en audience et en visibilité ces dernières années.  Ici et là, leur  engagement a permis de faire avancer la législation,  et certains ont  eu gain de cause devant les tribunaux.