Après plusieurs heures de route dans le désert, nous voilà face au mur dont on nous a tant parlé. Nous sommes surveillé·e·s par les soldats marocains en poste dans ce lieu oublié du monde, et devons nous tenir à distance. Quelqu’un lance une pierre dans leur direction. Ce geste de révolte traduit l’impuissance face à cette frontière de sable longue de deux mille sept cents kilomètres, érigée par l’État marocain entre 1980 et 1987, et protégée par une ceinture de mines antipersonnel. Ce «mur de la honte», comme on l’appelle ici, sépare les territoires du Sahara occidental, occupés par le Maroc, des territoires libérés, contrôlés par la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Plus de cent soixante mille réfugié·e·s sahraoui·e·s vivent dans des camps depuis près de quarante ans. Chassés de leurs terres, ils ont trouvé refuge en Algérie, sur ce bout de désert situé près de la commune de Tindouf. Dans cet environnement inhospitalier, les Sahraoui·e·s luttent jour après jour pour l’approvisionnement en eau et en nourriture, pour la construction de leurs maisons, pour l’éducation de leurs enfants. Mais aussi pour maintenir leur République et ses ministères, responsables de la distribution de l’aide humanitaire, de la scolarisation des enfants, des transports et de la santé. Nous sommes frappés par le degré d'organisation de la société sahraouie.
En octobre dernier, des pluies torrentielles se sont abattues sur les camps de Laayoune, Aussert, Smara, Boujdour et Dakhla. Aux difficultés quotidiennes est venue s’ajouter la destruction de milliers de maisons, de magasins et d’écoles. La famille qui nous héberge n'a pas échappé aux dégâts causés par les inondations. Père et filles nous racontent comment, après plusieurs jours d’intempéries, ils ont été contraints de se réfugier sur une colline pour se mettre à l’abri. À leur retour, une partie de leur maison s’était effondrée. Il ne reste plus qu’à tout reconstruire. Ici, le provisoire se mue en éternel recommencement alors que les réfugié·e·s sahrahoui·e·s demeurent dans l’attente d’un improbable retour sur leurs terres.
Découvrez le projet photographique de Guillaume Bégert et Benjamin Visinand