Joséphine entretient depuis plus de deux ans une relation épistolaire avec Roy Swafford, 68 ans, emprisonné en Floride depuis vingt-neuf ans. Initialement condamné à mort pour viol et meurtre, sa sentence a été commuée en détention à perpétuité en 2013. Il s’est toujours déclaré innocent. «Tout a commencé lorsqu’une amie chanteuse m’a parlé de sa correspondance avec un condamné à mort, par le biais de l’organisation Lifespark. J’ai eu envie moi aussi, d’apporter un peu de couleur à une personne enfermée», explique la jeune femme.
Au fil des lettres, une amitié s’est tissée entre la Lausannoise de 28 ans et l’Américain d’origine cherokee. Pour célébrer les vingt ans de Lifespark, Joséphine a décidé d’allier son métier de compositrice à sa correspondance avec Roy. «Mon correspondant disait souffrir de ne pas se sentir vivre, j’ai donc eu envie de mettre des morceaux de lettres en musique pour lui donner l’opportunité d’exister dans la vie d’autres gens», confie l’artiste avec émotion.
La brunette aux yeux verts a grandi parmi cinq frères et sœurs, dans une famille de musiciens. Ses parents ont encouragé chacun d’entre eux à jouer d’un instrument. Elle a choisi la flûte traversière, une option qu’elle regrette un peu. «Aujourd’hui, je choisirais plutôt le trombone. La flûte, c’est le cliché de l’instrument féminin». Joséphine Maillefer a suivi une formation de pédagogie classique, puis de composition jazz au Conservatoire de Lausanne. Aujourd’hui, elle a troqué la flûte contre l’ordinateur. Si sa première création Inmates Voices Choir met en évidence des morceaux de onze compositeurs et compositrices et des textes de prisonniers interprétés par des chanteurs et chanteuses a cappella, son deuxième projet, Inmates Voices Lettres, lie théâtre et musique expérimentale. C’est avec sobriété mais passion que les onze choristes transportent le public entre les quatre murs d’une cellule, jonglant entre envolées lyriques, sonorités gospels et influence pop. Les cris stridents de sirènes manuelles de l’armée américaine viennent rappeler l’univers carcéral, alors que l’utilisation de boîtes à musique adoucit l’atmosphère rugueuse du cachot. La prouesse de la performance réside dans les harmonies, superposant jusqu’à huit voix. «Si on chante souvent dans les églises, c’est surtout pour l’acoustique, lance Joséphine avec franchise. Mais nous avons aussi chanté dans un squat, des bibliothèques, des caveaux et une ancienne prison.»
Une ombre vient assombrir le tableau. «Roy m’écrit moins. Il a 68 ans, pour la prison c’est un vieillard. C’est peut-être la fin», soupire-t-elle. L’homme, emprisonné dans une cellule de deux mètres sur trois aura définitivement changé sa vie. «J’ai réalisé qu’il y a des gens qui vivent dans une salle d’attente pour la mort. On les tue, parce qu’ils ont tué, pour apprendre à ne plus tuer. Toutes ces absurdités m’ont fait prendre conscience de la vie différemment », dit-elle. L’année passée, elle s’est rendue en Floride pour rencontrer Roy en prison. «Lui sa devise c’est ‘enjoy life’. Il ne veut pas que l’on soit triste pour lui, il préfère que l’on profite de la vie, qu’il n’a pas. C’est une sacrée responsabilité. Inmates Voices c’est un peu mon cadeau pour lui», conclut-elle.
Inmates Voices Choir se produira le 4 mars à Voury, le 14 mai à Lausanne, le 21 mai à Lutry et le 26 juin à Bellelay. Toutes les dates sur www.inmatesvoices.com