Un orage vient de passer, l’air est encore humide dans la petite salle de classe aux murs rouges. Deux jeunes femmes d’origine africaine s’activent autour d’un poupon blanc en plastique. L’une porte un voile, l’autre de longs cheveux assemblés en queue de cheval. Sous leurs tuniques pointe un ventre rebondi.
Accès aux soins non garanti
Plusieurs études mandatées par la Confédération ont démontré que les mères migrantes avaient plus de risques de complications durant la grossesse, la naissance et le post-partum que les mères suisses. Une mauvaise maîtrise de la langue engendre une difficulté d’accès aux soins prénataux et aux mesures de prévention. C’est pourquoi le Secrétariat d’État aux migrations a lancé dans toute la Suisse un appel à projet de cours de langue portant sur la grossesse, la naissance et la petite enfance. Après deux ateliers pilotes organisés dans les cantons de Vaud et Genève, l’association RECIF (Rencontres Echanges Centre Interculturel Femmes) a tenté l’aventure dans le canton de Neuchâtel. Elle dispense à une dizaine de futures mères trois heures de cours de français par semaine à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds.
«La première difficulté pour les femmes migrantes enceintes, c’est de pouvoir s’exprimer sur leur état; nous avons donc appris les termes liés aux symptômes : la nausée, les vomissements. Ça paraît naturel, mais elles ont dû tout apprendre», explique Patricia Cardoso, responsable du projet. «Cet atelier a avant tout une visée préventive. Nous leur apportons des informations pour les accompagner dans leur grossesse, afin qu’elles soient plus rassurées», complète Silvia Olazabal, la sage-femme bénévole qui co-anime l’atelier. Les apprenties mamans ont mémorisé un nouveau vocabulaire et visité la maternité, le planning familial et la Croix-Rouge, afin de se familiariser avec l’hôpital, les méthodes de contraception et les services de puériculture. Selon l’Office fédéral de la statistique, les interruptions de grossesse sont deux fois plus fréquentes chez les femmes étrangères que chez les Suissesses, avec de grandes variations selon leur origine. Les accouchements prématurés sont les plus fréquents chez les femmes d’Afrique subsaharienne, de Turquie et du Sri Lanka, ce qui explique le poids souvent plus faible de leur nourrisson à la naissance.
«La première difficulté pour les femmes migrantes enceintes, c’est de pouvoir s’exprimer sur leur état; nous avons donc appris les termes liés aux symptômes : la nausée, les vomissements.» - Patricia Cardoso
Des outils pour communiquer
Aujourd’hui, plusieurs participantes manquent à l’appel. Deux femmes syriennes ont dû déménager dans un autre canton. D’autres femmes ont abandonné le cours en raison de l’avancée de leur grossesse. Au programme du jour : les petits soins du bébé. La sage-femme montre comment nettoyer le cordon ombilical, le nez, les yeux et les oreilles de leur futur nourrisson. Elles en profitent pour réviser leur conjugaison : «Je désinfecte, tu désinfectes…» Puis c’est au tour d’Iffrah, la Somalienne et Genet l’Érythréenne de procéder à l’exercice. Les gestes sont appliqués, mais leur français hésitant. Les formatrices les encouragent : «C’est bien. Bravo, c’est comme ça.»
«Je vois vraiment que cet atelier a son utilité, je les vois plus sereines», confie la responsable. «Elles sont en Suisse depuis peu, mais elles semblent avoir confiance en l’avenir.» L’atelier devrait être reconduit en 2017 si la situation financière de RECIF le permet. Genet et Iffrah sont en Suisse depuis dix mois. Si la fatigue a creusé des cernes sous leurs yeux, leur regard est posé. Elles caressent avec fierté leur ventre proéminent. Le terme est prévu dans quelques semaines.