La région est déchirée par un combat qui oppose les rebelles houthis aux forces du président Hadi, appuyé par une coalition de pays arabes sunnites. Depuis mars 2015, on estime que 57 000 personnes sont mortes, dont de nombreux civil·e·s. Ces chiffres ne tiennent pas compte des milliers de personnes qui ont succombé à la faim ou à des maladies, qui auraient été évitées en temps de paix.
Le Yémen est pris dans l’une des pires crises humanitaires: deux millions d’enfants souffrent de malnutrition aiguë et un tiers de la population a besoin d’une aide humanitaire urgente. Malgré cela, cette guerre est ignorée. Les réfugié·e·s yéménites ne frappent pas à nos portes. Seules 65 000 personnes ont fui depuis 2015, car il est extrêmement difficile de quitter le pays. De plus, les puissances occidentales ont peu intérêt à ce que le conflit soit sous le feu des projecteurs.
En effet, les opérations militaires au sud de la péninsule arabique représentent pour elles un juteux marché. Si les États-Unis et le Royaume-Uni s’offrent la plus grosse part du gâteau, la Suisse n’est pas en reste. Notre pays a exporté pour 438 millions de francs de matériel de guerre vers les Émirats arabes unis et 95 millions vers l’Arabie saoudite entre 2011 et 2017 (lire notre enquête), alors que ces deux pays sont à la tête de la coalition militaire responsable de multiples bombardements sur des écoles et des hôpitaux.
Nous ne pouvons détourner le regard, car notre industrie tire profit des affrontements. Dans ce numéro, nous avons donné la parole aux Yéménites qui se mobilisent pour la paix. À l’instar de la défenseuse des droits humains Radhya al-Mutawakel ou de Murad Subay, qui transforme les ruines en oeuvres d’art. En 2019, la voix des Yéménites ne doit plus être ignorée : nos pays doivent cesser d’arroser la région d’armes pour ne pas alimenter de nouvelles violations des droits humains.