Pour venir à bout du COVID-19, il faut vacciner un maximum de personnes à travers le monde. ©Shutterstock / LookerStudio
Pour venir à bout du COVID-19, il faut vacciner un maximum de personnes à travers le monde. ©Shutterstock / LookerStudio

MAGAZINE AMNESTY Opinion Faciliter l’accès aux vaccins

Par Nadia Boehlen - Article paru dans le magazine AMNESTY n°104, mars 2021
La lutte contre le Covid-19 a fait un immense pas en avant, puisque les campagnes de vaccination ont commencé dans plusieurs pays, dont la Suisse. Ces campagnes représentent une possibilité tangible de mettre fin à cette pandémie.

Ombre notable au tableau : les pays riches, dont la Suisse, signent des ententes bilatérales afin de garantir l’achat de milliards de doses de vaccins pour leurs populations. Ce qui signifie que d’autres pays devront attendre plusieurs mois, voire années, avant d’obtenir un approvisionnement en vaccins. Dans la situation actuelle, près de 70 pays ne pourront pas vacciner plus d’une personne sur 10 cette année.

Ce « nationalisme vaccinal », que la production mondiale insuffisante due aux monopoles exacerbe, mine les efforts globaux pour garantir une disponibilité suffisante et une distribution équitable des vaccins au niveau mondial. C’est le fruit d’un système qui privilégie l’exclusivité de fabrication par de grands groupes pharmaceutiques, plutôt qu’une production décentralisée et multipliée.

Déroger au régime actuel de propriété intellectuelle permettrait d’accélérer la production décentralisée de traitements contre le Covid-19 et d’enrayer plus rapidement la pandémie. Plus de 100 pays soutiennent déjà la demande de dérogation temporaire à certaines règles internationales en matière de propriété intellectuelle soumise par l’Inde et l’Afrique du Sud à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Toutefois, un groupe de pays – dont la Suisse – a jusqu'à présent rejeté une dérogation à l’Accord sur les ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce). Un accord qui garantit aux entreprises pharmaceutiques des droits étendus de protection de la propriété intellectuelle.

En amont d’une séance cruciale de négociations à l’OMC, le 4 février prochain, Amnesty International et Public Eye demandent au Conseil fédéral de ne plus s’opposer à une dérogation temporaire aux règles internationales sur la propriété intellectuelle. Cette exception est essentielle car elle permettrait à d'autres entreprises de produire et distribuer des vaccins et des médicaments contre le Covid-19 dans le monde entier. Si la dérogation était acceptée, chaque État membre de l’OMC pourrait décider, s’il le souhaite, de ne pas tenir compte de la propriété intellectuelle concernant les tests diagnostiques, les traitements ou les vaccins contre le Covid-19 tant que durera la pandémie.

La dérogation permettrait un gain de temps crucial, mais aussi une liberté d’action pour démultiplier la production de moyens de lutte contre le Covid-19, répondant à des besoins locaux ou régionaux non couverts actuellement. Ainsi, une firme locale disposant du savoir-faire nécessaire serait autorisée à les produire sans avoir à négocier longuement pour l’obtention d’un brevet.

Les gouvernements et l’industrie pharmaceutique ont l’obligation de veiller à ce que tous les pays partagent les bénéfices de la recherche scientifique et accèdent aux produits et traitements médicaux nécessaires pour lutter contre le Covid-19. Soutenir la dérogation à l'Accord sur les ADPIC est une étape capitale pour répondre à cette obligation et, in fine, enrayer la pandémie !