À 14 ans, il passait son été à travailler pour des producteurs. À 17, il parcourait les rues berlinoises pour filmer les conditions des sans-abris. Aujourd’hui, à seulement 21 ans, Franz Böhm est le plus jeune réalisateur primé au Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) de Genève. Il y a deux ans, l’Allemand empoignait sa caméra et s’achetait un billet aller simple pour Hong Kong, le Chili et l’Ouganda. Il y a suivi Pepper, Rayen et Hilda, trois militantes en début de vingtaine, dans leurs combats pour la démocratie, l’égalité et le climat. « Les mobilisations de la jeunesse me fascinent. Mais j’ai remarqué qu’il y a parfois de l’incompréhension et des fausses idées sur ces mouvements. J’ai voulu donner la voix aux activistes pour qu’ils et elles racontent directement leur vécu au quotidien. »
«Les mobilisations de la jeunesse me fascinent. Mais j’ai remarqué qu’il y a parfois de l’incompréhension et des fausses idées sur ces mouvements.»
Rien ne semblait prédestiner ce fils de styliste et de restaurateur au cinéma. Mais très vite, le jeune stuttgartois se passionne pour cet univers, « fasciné » par la force des images. Quant à sa politisation, elle s’est construite petit à petit. D’abord lors des repas familiaux du dimanche, autour des traditionnels Maultaschen préparés par sa grand-mère. Puis à l’adolescence, en suivant des débats publics et en échangeant avec ses ami·e·s. « On avait de longues discussions sur les façons d’améliorer notre futur », raconte via Teams le brun à la barbe naissante.
Que Franz Böhm signe une ode à la jeunesse n’a donc rien d’un hasard. Avec Dear future children, il nous plonge au cœur des manifestations sociales tout en nous immisçant dans l’intimité des protagonistes, avec un enchaînement de gros plans et de séquences familiales. On sent chez lui une maturité mêlée à une humilité certaine, « c’est vraiment un travail de groupe, j’y tiens ». Ce qui n’empêche pas une ambition ardente, comme lorsqu’il parle de réformer le milieu du cinéma. « Notre génération montre une réelle volonté de changer le système, de lutter pour une société plus inclusive. Je pense que nous sommes davantage disposés à créer une atmosphère moins hiérarchique, où chacun peut s’exprimer. Il n’y a plus de place pour les gros égos. »
Optimiste, Franz est convaincu de l’impact du cinéma : « Un film peut faire évoluer les mentalités, en mettant en lumière des problématiques et des histoires méconnues. La vidéo a l’avantage de toucher tout le monde, indépendamment de son appartenance sociale. » Si le vingtenaire est indéniablement guidé par une fibre sociale, il rejette l’étiquette du militantisme. Du moins, pas encore. « Je ne peux pas me comparer à Hilda, Rayen ou Pepper, qui en sont venues, par la force des choses, à lutter pour améliorer la situation dans leurs pays respectifs. Je suis plutôt un réalisateur qui utilise sa position de privilégié pour raconter des histoires. »
«Je suis un réalisateur qui utilise sa position de privilégié pour raconter des histoires.»
La reconnaissance que prodigue le fait d’être récompensé lors d'un festival prestigieux cache parfois l’envers du décor, plus sombre qu’il n’y paraît. « Tourner Dear future children a été difficile. J’ai vu des scènes violentes, des gens se faire tirer dessus, certains mourir simplement pour avoir manifesté. Une de mes amies s’est fait emprisonner. Sur le moment on se sent seul, on n’a personne à qui se confier. On n’en ressort pas indemne. » Si parfois il se laisse porter par un rythme effréné, Franz affirme ne rien regretter. D’ailleurs, il a déjà de futurs projets : une true story sur un journaliste qui se sacrifie pour une cause sociale. Il clarifiera probablement ses idées lors d’un de ses joggings habituels, à 5h du matin.
Dear future children, Franz Böhm, 2021, 89 mn.