Aurélien Fontanet a participé au rituel Xikrin de peinture corporelle © DR
Aurélien Fontanet a participé au rituel Xikrin de peinture corporelle © DR

MAGAZINE AMNESTY Portrait L’Autre en focale

Par Olalla Piñeiro Trigo. Article paru dans le magazine AMNESTY n°106, juillet 2021
La caméra rivée sur l’humain, le photographe genevois Aurélien Fontanet capture autant la précarité et la multiculturalité de sa ville, que les communautés brésiliennes qui luttent pour préserver leurs terres. Portrait.

Queues interminables pour un sac de nourriture, militant amérindien posant devant une entreprise minière, réveil d’un homme dans sa tente plantée en pleine rue : l’humain et la dimension sociale sont les piliers du travail d’Aurélien Fontanet. « L’image est ma façon de faire passer le message », confie le photographe dans un café du quartier étudiant de Genève. Né il y a 39 ans dans le quartier des Eaux-Vives, celui qui voit la photo comme un « journal de bord » et qui l’aime pour sa spontanéité, a fait ses premières armes en autodidacte : « J’étais fasciné par le street art et ma famille m’a embarqué dès l’enfance dans les musées. » Un goût pour l’art qu’il consolidera par des études à la Haute école d’art et de design de Genève.

« Je vois la photo comme un moyen de montrer les inégalités, de mettre en avant l’humain et de raconter leurs histoires. »Aurélien Fontanet

Sensible depuis toujours aux questions sociales, c’est lors d’un voyage à New York qu’il est directement confronté à la « misère de la rue ». Cette expérience marque sa pratique du métier. « Je vois la photo comme un moyen de montrer les inégalités, de mettre en avant l’humain et de raconter leurs histoires. » S’il s’assume en tant que photographe engagé, c’est d’abord une quête personnelle qui le mène dans les tréfonds de la forêt Amazonienne. « Je n’ai pas connu mon père. J’avais très peu d’infos à son sujet, excepté qu’il était brésilien. J’ai ressenti le besoin de me rendre sur place pour chercher des réponses. »

Tout juste sorti de l’adolescence, il embarque sa caméra et part au Brésil avec Nordesta Reforestation and Education, une association genevoise luttant contre la déforestation. C’était l’occasion de rencontrer une partie de sa famille du Minas Gerais et d’en apprendre plus sur l’histoire de son père, peintre de tableaux pour telenovelas, ainsi que sur ses origines amérindiennes. Depuis, il se rendra une dizaine de fois sur place. Il y photographie et suit la communauté Xikrin, qui lutte contre le géant minier Vale, et suit un leader suruí dans sa lutte contre les orpailleurs. « À première vue, on s’émerveille devant la beauté et les couleurs des images. Mais en réalité, les eaux sont polluées et la population locale présente des problèmes de santé. » Aurélien Fontanet ne se limite pas à la photo : en collaboration avec João Paulo Botelho, docteur brésilien engagé pour les peuples autochtones, il réalise des rapports qui sont envoyés au Ministère public brésilien et permettront de fermer durant plusieurs mois la mine d’Onça Puma, gérée par la multinationale Vale. Au fil de ses séjours, il s’intègre dans la communauté : il apprend le portugais sur le tas et se fait ajouter sur le groupe WhatsApp de celle-ci.

Retour aux sources

L’irruption du COVID-19 oblige le photographe à un retour aux sources, à Genève. Il en profite pour prêter mainforte à son amie de longue date, Silvana Mastromatteo, à La Caravane de solidarité (rebaptisée La Caravane sans frontières). À titre bénévole, Aurélien s’occupe de la communication visuelle et participe aussi à la vie active de la structure d’accueil d’urgence : il sert des repas, part à la récolte des invendus, accompagne une fille rom à son premier jour d’école, ou discute, tout simplement. « Mes photos servent à documenter la situation et à montrer qu’un jour, nous pouvons tous nous retrouver dans une situation difficile. La solidarité est un remède. » Si les scènes immortalisées nous plongent dans l’intimité des sujets, le photographe réfute tout côté voyeuriste : « Je discute toujours avec les sujets que je photographie. Je ne viens pas sur place pour faire deux-trois clichés et repartir. Je prends du temps, j’essaie de créer un lien à long terme et de travailler en profondeur. »