Depuis petit, Emmanuel Nkurunziza s’est familiarisé avec les droits humains dans son Burundi natal, parfois qualifié de « Suisse africaine » en raison de sa beauté naturelle et de son paysage montagneux légendaire. Il ignorait toutefois qu’il allait être forcé de quitter sa patrie pour s’installer au bord du lac Léman.
Si aujourd’hui ce quadra est content d’avoir échappé aux griffes de l’ancien dictateur Nkurunziza, décédé en 2020, il peine à contenir ses émotions lorsqu’il évoque son retour impossible au pays. Parents et proches lui manquent énormément, eux qu’il qualifie de fins brasseurs de la bière de sorgho, connue sous le nom vernaculaire d’impeke.
C’est autour de cette boisson unificatrice que cet homme assoiffé de savoir a appris comment défendre les droits humains, entraîné par les discours de son grand-père paternel. « Je l’ai souvent vu arbitrer des conflits sur ma colline natale. La médiation terminée, il n’y avait ni vainqueurs, ni perdants », se souvient ce psychologue de formation, ajoutant que les rivaux d’alors finissaient par se réunir autour d’une cruche de bière de sorgho, de laquelle ils buvaient à la même paille.
Épingler les malversations
Ses études de psychologie terminées, vient le moment de mettre en pratique les savoirs transmis par son grand-père. Il essuie un premier échec quand il est recruté par une organisation chargée de lutter contre le SIDA. Par crainte qu’il ne dénonce un jour les failles du système de son employeur, le conseil d’entreprise le licencie manu militari.
Il est persécuté par les thuriféraires du régime qui lui envoient de nombreuses menaces de mort via des tracts et des messages WhatsApp.
L’organisation veut ainsi éviter de tomber dans le collimateur de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME), organisation indépendante où milite Emmanuel Nkurunziza comme défenseur des droits économiques. L’Observatoire le récupère comme chargé de programmes jusqu’en 2015, année fatidique où le régime burundais orchestre une chasse aux défenseur·e·x·s des droits humains.
L’activiste s’exile alors en Ouganda où il continue de militer en alertant l’opinion internationale sur la persécution des personnes menacées de mort dans son pays, fournissant si nécessaire des éléments de recherche aux ONG étrangères, interdites d’accès au Burundi jusqu’à ce jour.
La fibre militante
Surveillé par les agents du pouvoir burundais qui sillonnent la région des Grands-Lacs pour persécuter les défenseur·e·x·s des droits humains et les critiques du régime, Emmanuel Nkurunziza se sent en insécurité permanente. Même en exil, il est persécuté par les thuriféraires du régime qui lui envoient de nombreuses menaces de mort via des tracts et des messages WhatsApp.
Il choisit finalement de se réfugier en Suisse. Sans perdre pour autant sa fibre sociale : il travaille désormais comme accompagnant socioéducatif de personnes en situation de handicap. Dans la Riviera vaudoise où il habite, il se sent déjà comme chez lui. « Je commence à prendre l’accent vaudois », lance en souriant celui pour qui les mets locaux comme la raclette ne sont plus un secret.
Il ne perd pas pour autant sa flamme de militant. Par-delà les frontières, lui et l’OLUCOME n’épargnent personne lorsqu’il s’agit d’épingler celleux qui dilapident les deniers publics du Burundi.