La guerre en Ukraine a jeté plus de 5 millions de personnes sur les routes de l’exil, selon les estimations publiées fin avril par l’ONU. Face à la gravité de la situation, l’Europe a adopté plusieurs mesures pour faciliter leur accueil. La Suisse aussi participe à cet élan de solidarité : en deux mois, elle a accueilli plus de 40 000 personnes fuyant les bombes russes.
Pour la première fois, la Confédération a activé le statut de protection spécial S, qui accélère et simplifie la procédure d’accueil. Il permet aux personnes éligibles de travailler immédiatement, ou de choisir leur canton d’accueil. Celles-ci ont aussi pu bénéficier de la gratuité des forfaits téléphoniques et des transports publics, d’un regroupement familial facilité ou d’une dérogation à l’obligation de remettre les devises et objets de valeur qui dépassent 1000 francs à leur arrivée. Des dispositions qui manquent cruellement aux réfugié·e·x·s en provenance d’autres coins du globe et que les ONG réclament depuis longtemps. On est en droit de se demander pourquoi cette même volonté politique n’a pas eu lieu quand les bombardements ont détruit la Syrie ou que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan.
Jusqu’en février 2022, les politiques migratoires des États membres de l’UE avaient tendance à miser sur le cloisonnement, la défense et la dissuasion. Des personnes réfugiées en provenance d’Afghanistan, de Syrie ou d’Irak avaient été renvoyées en plein hiver dans les forêts du Bélarus, laissant certaines mourir de froid et de faim sous nos yeux, tandis que des bateaux pleins à craquer sont arrêtés en Méditerranée par les différents organismes chargés de garder les frontières. À en croire le Secrétariat d’État aux migrations (SEM), la Suisse n’est plus un pays de destination, mais est devenue un lieu de transit. Une baisse des demandes qui s’explique par le manque d’attractivité de la Suisse, également entretenu par sa politique d’asile restrictive. Application rigoureuse des accords Schengen / Dublin, statut incertain et avec des droits limités pour les permis F, procédures d’asile rapides pour les personnes issues des Balkans et de nombreux pays africains… la Confédération a tout fait pour décourager les candidat·e·x·s à l’asile. Et pourtant, la Suisse n’a absorbé que 2 % des quelque 650 000 demandes d’asile déposées en Europe en 2021, selon les chiffres du SEM. Une goutte d’eau à l’échelle européenne.
Rien de surprenant donc que de nombreuses voix s’élèvent pour s’étonner de l’accueil facilité des réfugié·e·x·s en provenance d’Ukraine. Il est désormais urgent d’accorder ces mêmes droits à d’autres réfugié·e·x·s qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. Les ONG le demandent depuis des années ; les développements actuels nous montrent que c’est possible.
Je souhaite que nous, activistes, défenseur·e·x·s des droits humains, ONG, puissions inciter nos politicien·ne·x·s à changer de mentalité. Que nous leur montrions que nous le pouvons si nous le voulons. Que nous voulons être une société dans laquelle toutes les personnes qui ont vécu des choses terribles – indépendamment de leur origine, de leur nationalité, de leur sexe, de leur religion ou de leur couleur de peau – puissent trouver la protection dont elles ont besoin.