Impensable pour elle de se lancer en politique : son côté électron libre ne pourrait pas s’accommoder du cadre trop rigide de nos institutions. Alors, elle a choisi le cinéma comme vecteur pour porter ses convictions humanistes. Attablée devant un soda au Café du Simplon, à deux pas de la gare de Lausanne, Elise Shubs s’illumine lorsqu’elle raconte comment est né Dynamic Wisdom, son deuxième long métrage sorti au printemps. Un projet «fait à l’envers». Tout commence par une rencontre avec celui qui deviendra un des protagonistes du film : l’un des deux Suisses qui soutient le collectif éponyme. Ils sont une vingtaine d’hommes, tous migrants, à cohabiter dans une maison inoccupée de la capitale vaudoise. Les semaines de tournage s’enchaînent naturellement, pour finalement proposer un tableau, intime sans être intrusif, du fonctionnement démocratique de cette petite communauté autogérée.
Pendant ses années passées à l’école primaire d’Yverdon, Elise Shubs se découvre un premier cheval de bataille, inspiré des travaux de la primatologue Dian Fossey. Du haut de ses huit ans, elle enchaîne les interventions dans plusieurs établissements scolaires pour tenter de convaincre les élèves de l’importance de sauver les gorilles de montagne. De cette période, elle garde une sorte de leitmotiv : «il faut qu’un sujet me tienne à cœur pour que j’aie envie de travailler dessus». Elle découvre très jeune les obstacles auxquels sont confrontées les personnes qui demandent l’asile en Suisse, souvent dès leur enfance. Des situations qui la révoltent, et qui font naître en elle l’engagement qui l’anime aujourd’hui.
En sortant de Sciences-Po, Elise Shubs ne se destine pas du tout au cinéma. Elle se spécialise en droit d’asile et travaille comme conseillère juridique à l’Entraide Protestante Suisse. Elle y consacre d’ailleurs toujours la moitié de son temps. C’est en parallèle à son activité dans cette ONG qu’elle se forme en autodidacte, d’abord à la production, la prise de son, puis à la réalisation. Le son est un élément central de son travail, car elle construit ses films en les écoutant, en découvrant l’histoire qu’ils racontent.
Elise Shubs collabore sur plusieurs films comme Vol spécial, De la cuisine au Parlement ou L’Abri avant de signer son premier documentaire, Impasse, sorti en 2017 et remarqué aux Journées de Soleure. Elle y suit la vie de quatre prostituées à Lausanne. Avec Dynamic Wisdom, elle renoue avec la thématique de l’asile, tout en réaffirmant sa «patte» locale. Pas besoin de voyager loin pour montrer le quotidien des migrants, et par là contribuer à humaniser notre regard sur les Africains qui vivent le racisme au quotidien en Suisse.