Chaque année, à l’échelle mondiale, environ 30 millions de personnes décèdent de maladies dues à un excès de nourriture. Et dans le même temps, 9 millions de la faim. C’est de ce constat que naît l’idée de Marc Subilia : proposer aux personnes qui le souhaitent de sauter un repas par semaine, et reverser l’argent économisé à un des quatre organismes choisis par son association – EPER - Pain pour le prochain, Caritas, Medair et Helvetas – qui luttent contre la faim.
Le pasteur de 74 ans qui vit sur la riviera vaudoise a le sens de la formule. Son idée, il l’expose comme une évidence : prendre là où il y a trop pour redistribuer là où il n’y a pas assez. Un atout sans doute, lorsqu’il s’agit de convaincre du bien-fondé de sa démarche. L’ancien rapporteur spécial auprès de l’ONU sur la question du droit à l’alimentation Jean Ziegler ainsi que l’ex-président du CICR Cornelio Sommaruga comptent parmi ceux qui se sont laissé convaincre, devenant par la même occasion des ambassadeurs de son association Des Calories pour la Vie. Même accueil positif auprès du corps médical : parmi les plus sceptiques, qui le traitaient de « sculpteur de nuages », beaucoup ont fini par adhérer à son concept. Mais Marc Subilia sait aussi susciter des vocations chez les plus jeunes, qui l’aident à diffuser son message sur les réseaux sociaux, à entretenir le site internet et à traduire les brochures que publie l’association. Et parce que tous les moyens sont bons pour faire connaître sa démarche, l’artiste montreusien Pascal Bettex, qui réalise des mobiles, un peu à la manière de Jean Tinguely, lui a créé une œuvre.
L’idée ne s’est pourtant pas imposée du jour au lendemain. Elle a germé, mûri tout au long de sa vie. Sur le chemin de Katmandou, à peine son diplôme de médecine en poche, Marc Subilia est frappé par « la joie de vivre des personnes qui n’ont presque rien ». Et se rend compte qu’il ne manque parfois que très peu pour basculer de la souffrance au bien-être. Puis quelques années plus tard, dans les années 1980, alors qu’il exerce comme médecin interniste, il se souvient avoir été confronté dans la même matinée aux souffrances d’une personne qui ne pouvait plus bouger à cause de son surpoids, et à celles d’une personne gravement dénutrie qu’une infirmière tentait patiemment de réalimenter. De ces expériences naîtra petit à petit un désir de « rééquilibrer les différences » dans l’alimentation, et sa concrétisation en 2015 avec la création de son association.
Son visage s’illumine lorsqu’il détaille sa démarche. Non pas une collecte de fonds de plus, mais un geste délibéré, qui fait appel à l’empathie de ses ouailles de la diète hebdomadaire. « Les gens sont satisfaits, car c’est un peu comme s’ils partageaient directement leur nourriture », glisse-t-il. Ajouter à cela que les participant∙e∙x∙s peuvent compter sur une motivation supplémentaire : le sentiment de se faire du bien en faisant une petite cure.
Bien sûr, la dimension religieuse n’est pas absente de sa démarche : le pasteur n’hésite pas à puiser dans les Évangiles. S’il y trouve une source d’inspiration, ce n’est pas pour autant que son projet revendique une exclusivité chrétienne. Plutôt universaliste. Il y a deux mille ans, la solution passait par la multiplication des pains, aujourd’hui elle passe par la division des repas.